♥♥ Pour parler de Kermesse, il faut d’abord s’intéresser au collectif La Cabale, dont c’est le deuxième spectacle. Et prendre part au projet artistique de cette jeune compagnie née en 2018, composée d’une dizaine de comédiens, tous originaires «de villages de campagne ou de petites villes côtières»,aiment-ils à souligner,où «ils seront berçés davantage par la fête des langoustines que des spectacles de Claude Régy ». Ils se rencontrent au cours Florent et décident de travailler ensemble pour proposer un théâtre qu’ils revendiquent singulier, résolument libre, en rupture avec les conventions. Un théâtre débordant d’énergie, qui joue avec le ridicule, l’absurde, s’autorise tout, ne se laisse pas enfermer dans des cases et invite tous les publics, et notamment «tous ceux qui n’ont jamais poussé les portes d’un théâtre ». Le résultat ? c’est Kermesse, un spectacle inclassable qui lance chaque soir un défi au public : réaliser une chenille tous ensemble en fin de représentation. Et même si la construction du spectacle nous a quelque peu laissé au bord de la route, on salue la générosité et l’originalité de la proposition!
♥ Tout juste nourrisson, Moïse arrive en kwassa (petite barque) sur l’île de Mayotte avec sa mère, comme des milliers de migrants qui tentent la traversée depuis les îles des Comores. Cette très jeune mère donne Moïse à une infirmière, Marie, venue de métropole. Marie souffre de sa stérilité et accepte avec joie d’élever cet enfant jusqu’à ce qu’elle meure subitement d’un accident cérébral. Moïse a alors 15 ans. Livré à lui-même, il rejoint le bidonville surnommé Gaza, où vivent plus de trois mille mineurs isolés. Il y rencontre celui qui s’est proclamé le roi de Gaza, Bruce, qui, après l’avoir pris sous son aile, va le contraindre à un combat à mort. Stéphane, humanitaire, et Olivier, policier, vont tenter de gérer une situation sociale insoutenable dans le plus grand bidonville de Mayotte.
Le texte de la journaliste et romancière Natacha Appanah, couronné par 15 prix littéraires, est percutant, pertinent, tranchant. La mise en scène d’Alexandre Zeff mêle théâtre, danse, art numérique et plastique, musique live et chant pour nous livrer une polyphonie au croisement du thriller cinématographique et de la tragédie documentaire pour interroger notre conscience citoyenne.
La mise en espace de ce meurtre annoncé nous a rapidement agressées par la violence dans les mots, la musique, les gestes, les situations. Tout nous est montré : les coups, le sang, le viol… Rien n’est suggéré. La mise en scène est si grandiloquente et si prégnante tout au long des scènes qu’elle étouffe littéralement le jeu des acteurs. Le spectateur est sans cesse interpellé pour voir, entendre sur le plateau et au-delà, il ne bénéficie pas d’un instant pour souffler, s’interroger sur ses émotionset sur l’histoire qui se joue devant lui. Malgré la fougue et la conviction indéniables de toute la troupe,nous sommes sorties de la salle comme assommées. Une dizaine de spectateurs n’ont pas attendu la fin pour fuir ce trop-plein de violence.
Le regard d’Isabelle
TROPIQUE DE LA VIOLENCE
Théâtre 13 / Bibliothèque, 30 rue du Chevaleret, Paris 13e Jusqu’au 30 septembre 2022.
– Les 13 et 14 octobre 2022 à l’Espace BM Koltès, Metz – Le vendredi 21 octobre 2022 au Théâtre de Chelles – Du 23 au 27 novembre 2022 aux Célestins, Théâtre de Lyon – Le jeudi 8 décembre 2022 au Théâtre, Laval – Le jeudi 5 janvier 2023 au Centre Duhamel, Vitré – Les 12 et 13 janvier 2023 au Théâtre Jean Arp, Clamart – Le jeudi 2 mars 2023 au Carré Magique, Lannion – Du 22 au 24 mars 2023 au Théâtre – Sénart
♥♥♥ Cette version de Hamlet, adaptée par Peter Brook et traduite par Jean-Claude Carrière et Marie-Hélène Estienne, restitue la force universelle du texte de Shakespeare sur les passions humaines. Elle nous donne à voir un prince du Danemark, écartelé comme chacun d’entre nous entre choix et fatalité, raison et folie. La limpidité de la mise en scène de Guy-Pierre Couleau permet de nous faire redécouvrir cette œuvre géniale et protéiforme : tragédie bien sûr, mais aussi satire sociale, politique, philosophique, comédie… tous genres dans lesquels Shakespeare excelle.
♥♥♥ Après 6 mois d’abstinence théâtrale, j’ai repris le chemin des théâtres pour découvrir YOURTE au théâtre 13 qui bénéficie d’un solide « bouche à oreille » depuis début septembre. L’histoire ? Un soir d’été 1998, la France est championne du monde de football, 4 adolescents font des rêves d’avenir et se promettent de vivre dans une yourte, quand ils seront adultes, de quitter la société de consommation, de fuir la ville pour la campagne, de larguer portables, ordinateurs, argent, carrière professionnelle. 20 ans plus tard, qu’en est-il de leur rêve, de leur promesse d’un monde meilleur, plus juste et plus solidaire ?Lire la suite →
♥♥♥♥ De la naissance divine de la belle Hélène à la colère d’Achille, de la Pomme d’or aux ruses d’Ulysse, la ruse de Palamède pour piéger Ulysse et ses fourberies, le leurre du cheval de bois… Tout, tout, tout, vous saurez tout des légendaires aventures des héros, dieux et demi-dieux de la Guerre de Troie. Et en moins de deux heures !Lire la suite →
♥♥♥♥Le charme opère. Encore et toujours. Comme à chaque fois qu’Alexis Michalik nous raconte une histoire me direz-vous. Après les succès phénomènes du Porteur d’Histoire, du Cercle des Illusionnistes, d’Edmond (tous les trois toujours à l’affiche), l’auteur-metteur en scène revient au Théâtre 13 (celui-là même qui avait lancé « Porteur d’histoire » en septembre 2012) pour présenter sa nouvelle création « Intra Muros », un huis-clos contemporain dans l’univers carcéral. Avec Michalik, rien de très compliqué au fond. Installez-vous confortablement dans votre fauteuil, attendez sagement que les lumières s’éteignent, ouvrez grand les yeux et les oreilles et laissez-vous embarquer dans un récit qui vous captivera d’un bout à l’autre.
Cinq comédiens et un musicien investissent un plateau quasi nu : mur sombre en fond de scène, trois chaises et un tapis rectangulaire scotché au sol. Richard, professeur de théâtre, accompagné de son ex-épouse et d’une assistante sociale, vient donner son premier cours en maison centrale. Il espère une bonne affluence mais seuls deux détenus se présentent : Kevin, jeune rebelle et marginal (remarquable Fayçal Safi) et Ange, la cinquantaine, plutôt taiseux et énigmatique. Ce cours de théâtre conduira les protagonistes à se livrer, à remonter le fil de leurs vies jusqu’à un final aussi inattendu que formidablement émouvant.
Encore une fois, la « mécanique » Michalik fonctionne à plein: mise en scène épurée, fluide, rythmée où chaque geste est réfléchi, chaque déplacement utile; des comédiens-caméléons capables de passer d’un personnage à l’autre le temps d’un changement de costume, des histoires à tiroirs qui se croisent et s’entrecroisent à travers les époques et les espaces. Le puzzle se dessine comme l’araignée tisse sa toile et inexorablement, on est happé. Je prends le pari d’une salle comble tous les soirs. ♦