FESTIVAL D’AVIGNON OFF 2023 – CAMUS CASARÈS, UNE GÉOGRAPHIE AMOUREUSE ( vu au THÉATRE DES GÉMEAUX)

♥♥♥ Casarès et Camus se rencontrent le 6 juin 1944, à Paris, jour du débarquement de Normandie. Elle a 21 ans, lui 30. Ils vivent une passion éphémère jusqu’en octobre, moment où la femme de Camus, Francine, revient d’Algérie. Casarès met alors fin à leur relation.

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LE VIDE – ESSAI DE CIRQUE -MONTFORT THÉÂTRE

la-salle-du-theatre-royal-02Un titre énigmatique pour un spectacle qui ne ressemble à aucun autre et qui restera quelque part dans un coin de ma mémoire -à l’instar de l’inoubliable Celui qui tombe de la compagnie Yoann Bourgeois !

A notre arrivée, plongée dans un univers circassien bohème et foutrac : matelas mousse de fortune, sacs de sable, planches et tréteaux, radio cassettes d’une autre époque, quelques micros, un violon. Et sept grosses cordes, blanches, lisses, vertigineuses suspendues à 18 mètres de hauteur. En attendant que les derniers spectateurs s’installent, un homme se prépare tranquillement à les défier, un acrobate à la corde, au regard bleu acier qui plante son regard dans les yeux des spectateurs installés à deux mètres de lui. Alors une fois le silence installé, prenant son temps, il s’élève une première fois dans les airs tout en force et en précision. Mais la corde se rompra. Il chutera lourdement sur le matelas de mousse, se relèvera, et montera de nouveau. Méthodiquement, sans mot dire, bravant la peur du vide, défiant les lois de l’apesanteur, il multipliera les tentatives inlassablement, se hissant toujours plus haut -faisant des éléments architecturaux du Montfort théâtre un terrain de jeu inattendu- tombera et remontera encore pour ne plus jamais s’arrêter jusqu’à un final formidable qui révèlera toute la portée philosophique de ce spectacle saisissant ! « Le Vide – Essai de Cirque » co-écrit par Fragan Gehlker, Alexis Auffray et Maroussia Diaz Verbèke, revisite « Le Mythe de Sisyphe » écrit par Albert Camus en 1942 pour qui la vie, éternel recommencement des choses confinant à l’absurde, n’a de sens que dans l’accomplissement des tâches et non  dans leur signification.

Monté dix‑neuf fois depuis sa création en 2009, sans cesse adapté aux lieux qui l’accueillent « Le Vide – Essai de Cirque » est un spectacle profond, intense, aussi vertigineux que poétique, qui avait déjà fait salle comble en 2014 avant de partir en tournée en France et à l’international pendant 1 an. On ne peut qu’être saisi et admiratif par l’originalité d’un spectacle qui allie performance visuelle et puissance dramatique. Le final est une merveille et conclut superbement la vocation du spectacle. Un conseil : replongez-vous dans « Le Mythe de Sisyphe » avant d’aller voir le spectacle, vous n’en serez que plus séduit et …si vous êtes sensible au vertige, abstenez-vous. Certaines séquences sont impressionnantes. 

Signé Elisabeth

LE VIDE – ESSAI DE CIRQUE

Montfort Théâtre, 106 rue Brancion, 75015 Paris

Jusqu’au 21 mai 2016

Durée : 1 heure

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Crédit : Perrine Cado / Le Montfort

L’ÉTRANGER – THÉÂTRE 14

affiche L etrangerPrix Nobel de littérature en 1957, auteur, philosophe, Albert Camus continue d’interpeller au XXIsiècle des gens de lettres, de théâtre, des universitaires mais aussi des lecteurs et un public qui ne l’ont pas oublié (et dont je fais partie !). Quand j’ai appris que Benoît Verhaert, comédien et metteur en scène belge, fondateur de la compagnie itinérante le Théâtre de la Chute, inconditionnel de Camus, avait choisi de le mettre à nouveau à l’honneur, du 9 janvier au 13 février 2015, j’ai décidé de le contacter. Son adaptation de L’Étranger (coécrite avec Frédéric Topart il y a plus de vingt ans) est jouée au Théâtre 14 à Paris. Une salle qui convient parfaitement au spectacle : « La jauge et le rapport salle-scène permettent l’intimité que nous voulons proposer aux spectateurs », me précisera-t-il. Basée à Bruxelles, la compagnie a posé ses valises quelque temps à Paris.

Un résumé de l’histoire pour ceux qui, à distance des années qui les séparent du collège, auraient pu l’oublier. Meursault est présenté comme un être froid, à distance de toute émotion, dépourvu d’empathie. Il enterre sa mère. Dès le lendemain, il noue une relation avec Marie, une jeune femme qu’il retrouve sur la plage ; ils se rendent au cinéma pour aller voir un film comique joué avec Fernandel. Ils deviennent amants. Meursault expliquera à Marie avoir des besoins physiques. Le soir, il entend, impassible, son voisin, Salamano, battre son chien. Une autre fois, Meursault accepte d’aider sans vergogne Raymond, un ancien boxeur à la morale douteuse, à rédiger un courrier de vengeance contre sa maîtresse qui l’a éconduit. Il l’aidera à nouveau – parce que c’est tout bonnement comme ça dans la tête de Meursault ! – en l’accompagnant quelques jours plus tard au commissariat quand Raymond sera embarqué par la police pour avoir frappé le frère de cette femme. Meursault, Raymond et Marie le croiseront accompagné d’un ami, un dimanche, alors, qu’ils se promènent au bord de la mer. Meursault tempère Raymond et lui prend son revolver. Raymond est blessé dans la bagarre. Revenu sur la plage, Meursault retrouve le même individu qui sort un couteau. Aveuglé et terrassé par le soleil qui lui rappelle celui de l’enterrement de sa mère, il tire un coup, puis quatre coups alors que l’homme est abattu à terre. Un procès se tient où Meursault ne manifeste aucun regret. Il sera condamné à mort.

Sur un plateau qui se veut minimaliste et sobre, seuls les comédiens, une table, un seau, et quelques chaises…« Comment mettre en scène un roman si introspectif », me questionnais-je ? Ah cela commence…

Stéphane Pirard, recroquevillé sur lui-même, couché sur une table, s’étire et se glisse dès les premières minutes avec beaucoup de facilité dans la peau de Meursault, et là, nous entendons : […Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : “Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.” Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier…]. Debout, il s’arrose d’eau puisée dans le seau qui siège au pied de la table. Il est à la plage (une lumière chaude l’innonde et le texte nous le dit aussi) et va retrouver Marie, incarnée par Lormelle Merdrignac, qui apparaît très belle et légère, drapée dans une cape noire qui dévoilera quelques instants après une robe rouge couleur de la passion. Un autre jour (deux voix off avec pour porte-voix B. V. et L. M. nous transportent régulièrement dans le temps et donne le nom du jour à Meursault qui se pose régulièrement la question), elle n’hésitera pas à étreindre Meursault (ils se roulent sur scène enveloppés dans la cape) pour lui prouver (et nous faire ressentir) tout son amour. Benoît Verhaert interviendra incarnant tour à tour le directeur de la maison de retraite, le voisin, le chien du voisin (mais oui, debout, dos au spectateur, il aboie sur un ton un tantinet éloigné de la réalité cette fois et qui déclenche le rire), Raymond, l’avocat, le président du tribunal et l’aumônier. La différence de ton, de gestuelle et de posture adoptés nous renseigne facilement de quel personnage il s’agit (belle prouesse de comédien !) tandis que des jeux de lumière et le texte nous « éclairent » sur le lieu où nous sommes. L’intrigue de l’histoire (au plus près du roman) nous conduira fidèlement à la fin. À l’annonce de son exécution, Stéphane Pirard criera si fort la souffrance de Meursault que l’émotion me gagne.

Toutes les lumières se rallument.

Tel Camus qui pensait que « l’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres », Benoît Verhaert, après les applaudissements, se rapproche du public et expose le projet que porte sa compagnie. À chaque fin de représentation, il nous invite à réfléchir à des questions philosophiques et à débattre. Il proposera ce soir-là : « Vous reconnaissez-vous à certains endroits de Meursault ? » ; « Pourriez-vous admettre un Meursault dans votre entourage et partager une relation ave lui ? ». Le débat ne sera pas ouvert pour cette fois malheureusement : Les Noces du Figaro étaient jouées en seconde partie de soirée, il fallait libérer la salle.

« Je suis tombé amoureux de Camus à l’âge de 28 ans en découvrant L’Étranger », me confiera Benoît Verhaert à la fin de la représentation. C’est au même âge que Camus écrira son roman. Doit-on y voir un signe ? Il a également mis sur en scène La Chute (jouée presque cent fois), Caligula au Théâtre des Galeries (Bruxelles)… Attisées par l’envie de comprendre encore davantage ce qui pousse Benoît Verhaert à adapter, jouer et/ou mettre en scène Camus et de découvrir son concept du théâtre-forum (un projet Musset aura lieu au Théâtre Varia à Bruxelles, du 11 au 14 mai 2015), nous avons eu l’idée, avec Élisabeth de l’interviewer pour un prochain « Café avec ». « Oui », nous a-t-il répondu. Nous nous en réjouissons. À suivre…

 L’ÉTRANGER

Theatre 14 • 20 avenue Marc-Sangnier, 75014 Paris

Jusqu’au 13 février 2015 du lundi au vendredi à 19 h

Dates de tournées en France et en Belgique

Sedan (08), les 2, 3 et 4 février 2015 ; Éghezée (Belgique), le 23 février ; Rochefort (Belgique), le 27 février ; Bastogne (Belgique), le 17 mars ; Namur (Belgique), du 24 au 27 mars ; Arlon (Belgique), le 31 mars.

Crédit photos : Fabrice DEHON

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