Nous avions découvert et beaucoup aimé « L’Ingénu » à la Folie Théâtre l’an dernier. La pièce est de nouveau à l’affiche au Lucernaire à partir du 23 octobre. Nous vous la conseillons et republions notre critique à cette occasion.
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Nous avions découvert et beaucoup aimé « L’Ingénu » à la Folie Théâtre l’an dernier. La pièce est de nouveau à l’affiche au Lucernaire à partir du 23 octobre. Nous vous la conseillons et republions notre critique à cette occasion.
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♥♥♥♥ Au 17ème siècle, un jeune Indien du Canada débarque d’Angleterre dans la petite communauté du prieuré de l’Abbé de Kerkabon située en Basse-Bretagne. Sa parole franche et pleine de bon sens tranche avec les habitudes locales. Aussi, tous les gens de la bonne société veulent l’approcher, le connaître notamment la belle Mademoiselle de Saint-Yves dont il tombe éperdument amoureux au premier regard échangé. Mais bientôt, chacun s’indigne qu’il ne soit pas catholique ! Qu’à cela ne tienne : il suit une initiation religieuse expresse, il est baptisé et projette d’épouser sa belle. Mais cela lui est refusé car son adorée a été sa marraine lors du sacrement. Il se pourvoit à la cour du Roi pour plaider sa cause… Lire la suite
♥♥ Fin du 19ème siècle, Célestine, la chambrière des Lanlaires à la sensualité manifeste, dénonce avec une lucidité redoutable et un humour impitoyable la condition misérable des domestiques et gens de maison. Tour à tour dévouée, manipulatrice et amoureuse, Célestine se confie dans son journal sans retenue… et sur scène sans pudeur.
Karine Ventalon – meilleure comédienne 1er rôle P’tits Molières 2015 – dans une petite robe noire sans décolleté mais très courte, avec bas noirs et porte-jarretelle, donne vie à Célestine. Etait-il nécessaire que les spectateurs entrevoient ses cuisses et son entrejambe, qu’elle mime avec un réalisme dérangeant l’acte sexuel à plusieurs reprises, pour leur faire apprécier le texte d’Octave Mirbeau (adapté par Virginie Mopin) et la sensualité de l’interprète ? La mise en scène épurée mais trop « sexe » et si crue de William Malatrat finit par déranger et occulter la beauté du texte comme l’interprétation de la comédienne qui sait autant jouer de son corps, de sa voix et de son intimité pour interpréter toute une galerie de personnages et une palette d’émotions. Version bien sensuelle. On en oublierait presque la condition des domestiques à la fin du 19ème siècle.
Le regard d’Isabelle
LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE
A la Folie Théâtre, 6 rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris (métro Saint-Ambroise)
Les vendredis et samedi à 19h30 jusqu’au 4 mars 2017
Durée : 1h15
Deux acteurs, trois saynètes, trois avis.
Marina Valleix et Jean-Patrick Gauthier incarnent respectivement le rôle de la femme et du mari chronologiquement dans Par la fenêtre de Georges Feydeau, Le Pain de ménage de Jules Renard, La Peur des coups de Georges Courteline.
Hector, un avocat, rentre chez lui déjeuner bien sagement et se prête à la cuisine, faute de bonne que sa femme a licenciée par jalousie. De tempérament soumis, il profite de l’espace à lui tout seul de son appartement pour souffler et nous confie la raison pour laquelle il a embrassé une carrière dans la magistrature : cela faisait plaisir à sa mère. Un coup de sonnette vient l’interrompre dans sa pause. Une inconnue sans gêne pénètre dans son appartement et lui impose de lui faire la cour « par la fenêtre » pour susciter la jalousie de son mari…Une belle énergie à la Feydeau sur scène qui donne du mouvement à cette pièce mais trop surjouée même pour un vaudeville. Aussi, un timbre de voix qui semble en décalage avec le personnage qu’on pourrait se représenter d’Emma (l’inconnue). Étonnant surtout quand Marina Valleix s’illustre avec brio dans le deuxième personnage qu’elle incarne pour Le Pain de ménage de Jules Renard.
Marthe et Pierre, amis, tous deux en couple, apprécient parfois de se retrouver et d’échanger autour de l’amour, et d’évoquer plus principalement des sujets corollaires tels que celui de l’infidélité. Voilà de quoi agrémenter de longues soirées en tête-à-tête sans oublier en pensée leur propre compagnon ou compagne ni de vanter leurs qualités, voire leurs vertus…Marina Valleix est sémillante et la diction de Jean-Patrick Gauthier remarquable. Les décors minimalistes suffisent à un jeu de comédiens qui entraîne le spectateur dans l’histoire.
Les oiseaux chantent, une tente est déployée et la salle découvre habillé en Hawaïens un jeune couple en pleine dispute. Vexé que sa femme ait pu se laisser courtiser par un officier lors d’une soirée, ce mari aussi lâche que macho s’en prend à elle. Dotée d’un fort caractère, pertinente, elle sait lui répondre et le mettre au pied du mur quand il lui déclare bonhomme aller régler ses comptes à ce malotru. Arrogant, agressif, il ne sait que menacer sa femme et s’en prendre à sa belle-mère absente : elle se cache dans la tente en pleurant « par peur des coups ». De l’humour et de la légèreté sur un sujet qui l’est moins et encore bien moderne. Une mise en scène originale, signée Guillaume Peigné.
Signé Carole !
avec la Compagnie Chocnosof
À la Folie Théâtre, 6 rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris
Du 4 décembre 2015 au 5 mars 2016, vendredi et samedi à 21h.
Sous l’Occupation, une attachante bande de bras cassés – un vacher polonais, un ouvrier de chez Renault, une fonctionnaire libérée, une écervelée pétillante, et un paysan bonne pâte – s’engage autour de Sœur Hortense, une religieuse franchement caractérielle, dans une action aussi désordonnée qu’inefficace avec les moyens du bord (cierges, selle de vélo et pince Monseigneur). Une comédie qui se veut résistante aux accents loufoques.
« Les bouts de vaisselle » nous parle bien de la Résistance mais elle n’est ni loufoque, ni comique. Le texte de Jérôme Gaulier manque de rythme, de rebondissements comme d’originalité ; la fin est ficelée à la va-vite. La mise en scène colle ici ou là des extraits de chansons ou des films d’époque sans lien avec l’intrigue alors que les éléments de décor (prie-Dieu, banc) campent sobrement mais avec efficacité les lieux (église, ferme). Quant à la troupe de comédiens, si elle est animée par la fougue de la jeunesse, son talent est pour la plupart encore en herbe. On passe un bon moment mais le tout fait un peu « amateur » au sens strict du terme.
Le regard d’Isabelle
A La Folie Théâtre – Grande Salle- 6 rue de la Folie-Méricourt, 75011 Paris.
Les vendredi et samedi à 20h00, le dimanche à 18h30
Jusqu’au dimanche 31 janvier 2016.
Debout, évoluant sur une création musicale de Fabien Kantapareddy… ou assis, le dos tourné aux spectateurs sur un tabouret, attendant de revenir sur le devant de la scène quand leur rôle les y invite… neuf jeunes comédiens plein d’élans s’élancent sur les planches pour nous faire (re)découvrir, à pas rythmés, à voix chantées et clamées, cette comédie de mœurs du XVIIIe siècle : La Commère de Marivaux.
Quelle commère, cette madame Alain ! (Chut ! Il faut dire que Jacob, un beau paysan, lui donne matière à dire et à médire : il n’a pas son pareil pour gagner le cœur de toutes les femmes qu’il croise et leur promettre monts et merveilles si leur amour l’élève à la bourgeoisie.) Pour l’heure, il a décidé de se marier à la très gracieuse mademoiselle Haber, largement son aînée. Nenni ! Le neveu de sa future qui tient bien conserver sa part d’héritage, ne l’entend pas de cette oreille, et fera tout pour débusquer l’imposteur qui s’est forgé une fausse identité. Agathe, la fille même de madame Alain, et la servante se lanceront dans la partie, et sauront rendre la monnaie de sa pièce à ce joli cœur…
Dans une mise en scène originale de Karin Catala et sur une chorégraphie signée Sophie Méary-Sauvage, la Compagnie Enfants de la comédie nous enchante par leur fraîcheur et leur bien belle énergie théâtrale. (Un secret à répéter !)
Avec : Julie Le Lay, Cécile Clemenceau, Raphaëlle Talopp, Kamelia Pariss, Jules Méary, Simon Renou, Barthélemy Guillemard, Bastien Chevrot, Lucas Lecointe.
Signé Carole !
La Folie Théâtre, 6, rue de la Folie-Méricourt • 75011 Paris
Vendredi et samedi à 20h, dimanche à 18h30
Représentations scolaires possibles en semaine
Jusqu’au dimanche 8 novembre 2015
Et si pour que cesse à jamais la guerre entre Athènes et Sparte, il suffisait de faire la grève du sexe ?
Sur le ton du conte musical, la Compagnie Poupées Russes donne un grand coup de jeune à un texte écrit en 411 avant J.-C par Aristophane, l’illustre poète comique grec. Toujours avec humour, vitalité et plaisir, les comédiens nous entraînent dans cette quête folle de la paix par des femmes prêtes à tout pour garder leur mari et leurs enfants mâles près d’elles et surtout que plus jamais ils ne meurent au combat. Jeux d’acteurs et jeux de mots – parfois osés, jamais vulgaires – se bousculent pour le plus grand bonheur des spectateurs. Si on se réjouit devant le désespoir des époux, on s’étonne de l’ingéniosité des femmes pour résister aux tentatives de séduction des hommes à leur corps défendant. Surtout elles résistent, elles font bloc et elles obtiendront que les hommes fassent enfin la paix… et tant pis pour les anachronismes.
Aristophane flirte sans complexe avec notre actualité contemporaine. Et on se surprend à espérer qu’un jour prochain, toutes les femmes des pays où leurs droits sont bafoués ou empêtrés dans des conflits guerriers sans fin fassent la grève du sexe avec autant d’humour et de maestria dans le jeu et la voix.
Le regard d’Isabelle
A la Folie théâtre, 6 rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris
Jusqu’au 8 novembre 2015
Les jeudis à 19h30, les samedis à 18h et les dimanches à 16h30
Crédit photos : Harold Passini
Dans son atelier qu’on a l’impression de partager, tant la proximité entre la scène et le public est étroite, Camille, assise sur un banc, dans une tenue de coton blanc, chante à tue-tête et bavarde à en perdre haleine tandis qu’elle lace ses bottes et continue de s’apprêter. Debout, ses mains cherchent éperdument le sculpteur Rodin, son amant (imaginé alors sur scène). Elle l’invite à lui prendre sa main.
En costume d’époque, Octave Mirbeau, Henri Asselin, critiques d’art et journalistes et le peintre Eugène Blot (trois rôles interprétés par Frédéric Goetz et Nicolas Pignon) occupent le fond de la scène, attablés et affairés à lire leurs correspondances. Ils n’ont de cesse de porter, à la lumière d’une bougie, Camille et son œuvre pour que l’éternité ne les oublie pas. Qu’ils se rassurent, Christine Farré (Camille et metteur en scène de la pièce) l’incarne avec une telle vitalité qu’elle semble être là, devant nous. Agenouillée sur le sol, habitée par une force impérieuse et impénétrable, elle creuse, triture, étire, modèle la terre sous ses mains passionnées qui donnent forme à la vie, aux Causeuses… Un talent qui rencontrera bien des déboires à s’exprimer longtemps dans l’ombre de Rodin, prisonnière d’un siècle machiste qui ne l’attendait pas : l’État français ne lui passera aucune commande, elle s’empêtrera dans des difficultés financières. Christine Farré prête sa sensibilité mais aussi son corps à Camille et n’hésite pas à se frotter le visage, son torse, ses bras d’argile pour mieux s’imprégner de l’artiste… D’une voie tourmentée, agitée, emballée, aux confins de l’exaltation de la passion, elle hurle sa souffrance, ses blessures face à ce monde plus enclin aux honneurs et à l’argent qu’à la quête d’un absolu.
Dans une fureur dévastatrice, elle détruira ses statues sous la stupéfaction de Mirbeau et Blot, impuissants à la consoler, et se clôturera dans son atelier avec ses chats. Une lente descente dans la dépression et la paranoïa la conduira à être internée dans un asile psychiatrique pendant trente ans. Délaissée des siens, elle attendra les lettres de son frère Paul et en vain de pouvoir sortir.
Un hommage appuyé à Camille Claudel que Christine Farré sculpte en chair et en os avec une profondeur de sentiment et cisèle avec une vigueur d’expression. Comme le prédisait Eugène Blot, « Le temps a remis tout en place ». En témoigne ce spectacle.
Signé Carole !
À LA FOLIE THÉÂTRE, 6 rue de la Folie-Méricourt, 75011 Paris
Jusqu’au 28 novembre 2015
les vendredis et samedis à 19h30
Un divan rouge tel celui d’un psychanalyste, un guéridon sans bras sur lequel on s’assoit, des musiciens concentrés qui attendent de jouer, un garçon d’étage coiffé d’un haut-de-forme (Mike Desa) qui déploie un rideau blanc, un bronze de Barbedienne posé sur un meuble, un bocal à poisson rouge dont l’eau recouvre un coupe-papier, une porte de réfrigérateur par laquelle Garcin, Inès et Estelle entrent chacun leur tour… dans ce salon pas comme les autres ! Où sont-ils ? Voudraient-ils ressortir, que trop tard… Les portes de l’enfer se referment sur eux. Dans une chaleur lourde et humide, un brûlant mystère pèse : pourquoi sont-ils là réunis tous les trois ? Aucun remords n’habite ces trois « morts » à l’existence soi-disant vertueuse. Et pourtant… C’en est trop pour Inès (Anne-Lore Leguicheux), une vraie méchante qui « a besoin de la souffrance des autres pour exister » et dont le franc-parler s’essouffle de s’embarrasser de tant de politesse. Avec convoitise, elle couvre des yeux la belle Estelle (Hélène Bondaz), une riche mondaine. La déception la gagne vite quand Estelle, langoureuse, tente de se faufiler entre les bras virils de Garcin (Ronan Cavenne), journaliste au temps de son séjour sur terre, qui n’a de cesse pour l’heure de se réassurer auprès d’Inès qu’il n’est pas un lâche. Une partie mal engagée dont l’éternité de la peine rend l’épreuve épouvantable : les masques tombent, les personnalités se révèlent, le ton monte, les conversations s’enflamment sans fin sous le regard de l’autre, miroir de sa propre réalité, car « l’enfer, c’est les autres », aurait dit Sartre.
Une adaptation originale de « Huis Clos », signée Anne-Lore Leguicheux, qui sous le signe des arts, mêle la danse, la musique et le théâtre des mots à l’esprit de Sartre.
À chacun son danseur : Mélodie Decultieux, Juliette Brulin, Maxim Campistron épousent respectivement le corps « astral » d’Inès, Estelle et Garcin et dansent leurs maux sous les accords d’une musique créée dans le cadre de cet événément et écrite par les musiciens eux-mêmes (Clément Caritg, Ludovic Cayrel, Agnès Le Batteux, Caroline Trouillet). L’inconscient en mouvement et en musique aux portes de l’enfer… Réaliste ? Absurde ? Sartre aurait-il sauté de son fauteuil ? Moi, je m’y suis enfoncée avec plaisir. Une version contemporaine très artistique.
Signé Carole !
À La Folie Théâtre, 6, rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris
Du jeudi au samedi à 21h30 – Jusqu’au 7 novembre 2015
Crédit photos : Denis Pascal