UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE – THÉÂTRE DE L’ATELIER

♥♥♥♥ Tout le monde se souvient du magnifique film d’Ettore Scola – adapté ensuite pour le théâtre –, avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni. Les deux monstres sacrés du cinéma italien des années 1960 y jouaient des rôles à contre-emploi, et Sophia Loren s’était fait particulièrement remarquer dans le rôle d’une femme au foyer de milieu populaire, méprisée par son mari, aux antipodes de son image glamour.

La journée particulière, c’est celle du 6 mai 1938, où le Duce et Hiltler célèbrent leur entente sous les drapeaux fascistes en défilant à Rome. Mais c’est aussi celle de la rencontre de deux êtres exclus par la société qui vont, l’espace d’une journée, échanger, se reconnaître, et exister enfin à travers le regard de l’autre. Dans l’immeuble déserté par ses habitants, partis assister au défilé, Antonietta se retrouve seule, délaissée par son mari et ses six enfants. Le hasard va lui faire faire une rencontre qui va bouleverser le cours de sa vie, celle de Gabriele, un intellectuel licencié de la radio à cause de son homosexualité et obligé de se cacher. Grâce à lui, elle va découvrir une autre réalité et ouvrir son esprit à la littérature.

Si la mise en scène de Lilo Baur reste sobre et fidèle à l’esprit du film de Scola (notamment au niveau du décor et jusqu’à la robe portée par Laetitia Casta), la scénographie de Bruno de Lavenère apporte une touche de modernité au travers des projections vidéo qui évoquent le monde de l’extérieur avec le brouhaha du défilé et sa foule de spectateurs. À l’opposé, l’intérieur de l’appartement à l’atmosphère feutrée permet de mieux circonscrire la rencontre de ces deux êtres opposés idéologiquement, mais qui peu à peu, vont se découvrir et aller l’un vers l’autre. Ce sera l’occasion d’une prise de conscience pour Antonietta, femme inculte et pétrie des discours fascisants de son mari (et de l’époque). Les panneaux qui coulissent pour passer d’un décor à un autre et les jeux de lumière (Laurent Castaingt) apportent un peu de dynamisme à ce huis clos, seulement troublé par les apparitions impromptues de la gardienne de l’immeuble, fasciste convaincue et chienne de garde du régime.

Dans les rôles d’Antonietta et de Gabriele, Laetitia Casta et Roschdy Zem ne déméritent pas par rapport à leurs illustres prédécesseurs. Leur interprétation tout en délicatesse nous fait toucher du doigt la profonde solitude de leurs personnages et leurs tourments intérieurs face à la brutalité du monde. Avec son allure juvénile, Casta apporte grâce et subtilité à Antonietta, et réussit à la rendre crédible et attachante. Idéologie populiste, manipulation des masses, intolérance et stigmatisation des différences : même si certains de ces thèmes paraissent avoir régressé depuis la Seconde Guerre mondiale, leur menace est encore trop tangible dans beaucoup de pays du monde. La pièce de Lilo Baur semble nous tendre un miroir pour nous dire en contrepoint : attention, la liberté ne tient qu’à un fil…

Le billet de Véronique

UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles-Dullin
75018 Paris
Jusqu’au 31 décembre

Du mardi au samedi à 21 h
Le dim. à 16 h
Double représentation le 31 déc. à 16 h et 21 h
Crédits photo : Simon Gosselin

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