PAUVRE BITOS ou LE DÎNER DE TÊTES – THÉÂTRE HÉBERTOT

♥♥♥♥ Dans une petite ville de province, un groupe d’amis de la bonne société se donne rendez-vous pour un « dîner de têtes ». Chacun doit se faire la tête d’un grand personnage de la Révolution française. André Bitos, fils du peuple devenu magistrat incorruptible et vertueux, est l’invité d’honneur : il jouera Robespierre. Mais il semble que l’objectif de cette soirée ne soit pas uniquement de refaire l’histoire de France… Cette bande de notables en smoking – perruque va se lancer dans un jeu de massacre aussi cruel que jubilatoire.

Pauvre Bitos est créé au théâtre Montparnasse (1956) avec Michel Bouquet dans le rôle-titre. Elle décroche autant un triomphe qu’elle déclenche un scandale. Pourquoi ? Jean Anouilh osait s’attaquer, dans un parallèle avec la Terreur de 1793, à un totem : l’épuration, considérée alors comme la suite logique de la Libération de 1944. « Bitos, dans l’imagination d’Anouilh, c’était une sorte d’arrière-petit-fils de Robespierre dans la France d’après-guerre. […] À la Libération, au moment où se passe la pièce, il se livre à de sinistres épurations au nom de la Résistance, au nom du bien. Je dois avouer que, au cours des répétitions qu’il avait voulues très secrètes, je ne me suis pas vraiment rendu compte du tollé que nous allions déchaîner. C’était le 11 octobre 1956. Certains allèrent jusqu’à qualifier la pièce ‘‘d’ordure’’ ou de ‘‘crachat’’ ; la plupart reprochaient à Anouilh de souiller l’honneur et la mémoire de la France, de mettre droite et gauche dans le même sac de fiel et de mépris, de ne sauver ni pauvres, ni riches : tous infâmes, lamentables, les Français qu’il mettait en scène… Mais si cette comédie grinçante fit violemment réagir le public, elle ne manqua pas de le faire venir en grand nombre : la pièce fut un triomphe. » (Michel Bouquet, in L’homme en jeu et Mémoire d’acteur).

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LA VEUVE RUSÉE – THÉÂTRE DES BOUFFES PARISIENS

♥♥♥♥ Rosaura Lombardi, une jeune, belle et riche veuve vénitienne, rencontre quatre prétendants de nationalités différentes : Milord Runebif, l’Anglais ; Monsieur Le Blau, le Français ; Don Alvaro de Castille, l’Espagnol et le comte Bosco Nero, l’Italien. Chacun d’eux lui fait une cour assidue mettant en avant ses atouts nationaux. L’Anglais lui offre un diamant, le Français un portrait, l’Espagnol son arbre généalogique, l’Italien une lettre d’amour teintée de jalousie. Messages et cadeaux lui sont transmis par l’espiègle Arlequin, leur serviteur commun. Cependant, Rosaura reste indécise. Aidée de sa dame de compagnie Marionnette, elle réfléchit à un stratagème pour faire le meilleur choix alors que ses quatre prétendants rivalisent autant de galanterie que de chauvinisme.

Entre Commedia dell’arte et théâtre classique, La Veuve rusée est une merveilleuse comédie en trois actes de Carlo Goldoni représentée à Venise pour la première fois en 1748. Réflexions sur l’amour et recherche du bonheur sont le leitmotiv de l’intrigue : Rosaura désire être l’unique maîtresse de ses choix pour son avenir marital, et même son oncle Pantalone (voix de Jean Reno) n’a pas à lui dicter ses volontés.

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DISCOURS – COMÉDIE NATION

numerique-flyer♥♥♥♥ Parce que la recherche de la paix et de l’harmonie n’a ni lieu ni époque, Julian Marandi fait revivre les discours cultes de grandes personnalités de notre Histoire contemporaine : Lire la suite

ABIGAIL’S PARTY – THÉÂTRE DE POCHE MONTPARNASSE

aff-abigail-s-party-sd ♥ Dans la banlieue de Londres, au cœur des années 1970, Beverly et son mari Peter reçoivent Angela et Tony, un jeune couple qui vient d’emménager dans le quartier. Susan, en voisine, se joint à cette soirée pour trouver refuge loin de la « party » organisée par sa fille Abigail. À ce dangereux jeu social de l’être et du paraître, combien de masques tomberont ? Et jusqu’où la vérité sera-t-elle mise à mal?

Le temps d’une soirée entre voisins, le vide existentiel de ces cinq personnages nous est conté. Le texte de Mike Leigh se voudrait caustique, drôle parfois. Il est médiocre souvent, riche en lieux communs toujours.

Cette longue et interminable soirée, mise en scène par Thierry Harcourt, est d’une banalité absolue. Certains voudraient y voir un chef d’œuvre british cruel à souhait ; nous n’avons ressenti qu’un ennui profond où la dimension dramatique apparaît enfin le dernier quart d’heure sans glissement au fil des scènes. Quant aux comédiens au bord de la dépression, ils pourraient mieux faire pour mener à bien ce jeu de massacres arrosé au gin-tonic en criant moins et en interprétant plus.

Dans le même genre, Edward Albee a fait beaucoup mieux… Qui a peur de Virginia Woolf ? Cela vous rappelle des souvenirs ?

Si vous n’assistez pas à cette Abigail’s party, vous ne perdrez pas grand-chose. Tel est notre humble avis et des spectateurs qui étaient de part et d’autres autour de nous.

Le regard d’Isabelle

ABIGAIL’S PARTY

Théâtre de Poche Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris (métro Montparnasse)

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h • Jusqu’au 16 juillet 2017

Crédit photos : Victor Tonelli

Abigail's party (Thierry Harcourt 2017)

Abigail's party (Thierry Harcourt 2017)

 

THE SERVANT – THÉÂTRE de POCHE MONTPARNASSE  

AFF-THE-SERVANT1-201x300Les excellentes critiques entendues ici et là et le Molière du meilleur comédien dans un spectacle de théâtre privé attribué à Maxime d’Aboville ont aiguisé ma curiosité à découvrir The Servant, la valeur sûre théâtrale de ce printemps ! Direction le théâtre de Poche Montparnasse par un dimanche après-midi de mai : salle pleine à craquer, le bouche à oreille semble fonctionner !

The Servant, roman écrit en 1948 par l’écrivain et scénariste britannique, Robin Maugham – et adapté au cinéma en 1963 – nous plonge dans les quartiers chics du Londres des années 50. Tony, jeune aristocrate un brin désinvolte et paresseux, emménage dans une grande maison vide, au retour d’un séjour en Afrique. À ses côtés, évoluent Richard, son meilleur ami et la jolie Sally avec qui il entretient une relation amour/amitié. Tony embauche un domestique à son service, Barrett, qui se révèle le « butler » parfait dans la plus pure tradition britannique : honnête, compétent, fiable, d’un professionnalisme sans faille. Barrett se montre rapidement indispensable et la confiance s’instaure entre les deux hommes. Mais derrière cette apparence d’ordre et de quiétude, les rôles insidieusement s’inversent. Barrett prend peu à peu le contrôle de la vie du jeune Tony, de la décoration des lieux jusqu’aux détails de sa vie privée. Tony devient l’esclave de ce « butler » énigmatique et vénéneux qui réussira à régenter la vie de son maître jusqu’à l’assujettir et le réduire à l’état de loque humaine.

Formidable pièce ! À la fois thriller, huis clos, et comédie des mœurs à l’humour grinçant, The Servant se suit comme un excellent polar ! Au-delà des nombreux thèmes explorés (lutte des classes, place des femmes dans la société, désir de pouvoir, frustrations sexuelles), The Servant brosse le portrait d’une Angleterre accrochée à ses traditions mais en quête de nouveaux repères. D’un point de vue strictement théâtral, une réussite incontestable : un casting vraiment irréprochable emmené par les deux rôles titres Maxime d’Aboville (Barrett) et Xavier Lafitte (Tony) – ainsi que la sémillante Roxane Bret (qui fait ici ses premiers pas sur les planches) –  des dialogues vifs, ciselés, alertes et une mise en scène (signée Thierry Harcourt) sobre, élégante et efficace malgré de modestes moyens. Car c’est mon seul regret : cette belle pièce d’atmosphère aurait mérité un plus grand plateau et des décors plus travaillés afin de plonger davantage le spectateur dans l’esthétique cossue et so british de cette maison londonienne des années 50. Un détail pour cette pièce très réussie, aussi savoureuse qu’un scone clotted cream à l’heure du teatime….

Le point de vue d’Elisabeth 

THE SERVANT

Théâtre de Poche Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris

Du mardi au samedi à 19h

Dimanche à 17h30 

Jusqu’au 12 juillet 2015

Crédit : Victor Tonelli @Artcomart

Crédit : Victor Tonelli @Artcomart

Crédit : Brigitte Enguerand

Crédit : Brigitte Enguerand

 

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