LA FLEUR AU FUSIL – THÉÂTRE DE LA COMÉDIE BASTILLE

♥♥♥♥(♥) Le 25 avril 1974, au Portugal, la révolution des Œillets fait chuter la plus longue dictature d’Europe. Des milliers de Portugais marchent ensemble vers leur destin pour écrire, la Fleur au fusil. C’est l’histoire d’une démocratie qui se gagne par l’union d’un peuple et qui se conquiert avec des fleurs. En effet, ces hommes et ces femmes réussissent à gagner leur liberté sans qu’aucune goutte de sang ne soit versée.

Quand son petit-fils l’interroge sur sa vie, revient à la mémoire de Céleste, émigrée portugaise en France, les souvenirs passés de sa jeunesse muselée par la dictature de Salazar, de son arrivée en France par les chemins dangereux de la clandestinité, de ses nuits gelées sous les toits de taule ondulée dans le bidonville de Champigny-sur-Marne, de son histoire d’amour avec Zé, de son frère Chico, de la résistance, des œillets qui obstruent les canons, de la liberté retrouvée. Comment pourrait-elle oublier que pendant plus de quarante-huit années, les Portugais ont subi la loi martiale, la censure de la presse, l’interdiction aux femmes de conduire, l’obligation d’avoir l’autorisation de l’État pour se marier, avoir des enfants, travailler…

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LE VILLAGE DE L’ALLEMAND – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥(♥) Rachel (contraction de Rachid et Helmut) et Malrich (Malek/Ulrich) sont deux frères nés d’un père allemand et d’une mère algérienne dans un village d’Algérie, Aïn Deb, près de Sétif. Ils sont envoyés très jeunes vivre en banlieue parisienne chez leur oncle Ali et son épouse. Tandis que l’aîné réussit brillamment ses études, le cadet erre au milieu des jeunes de la cité. Après le suicide de Rachel, Malrich se plonge dans le journal intime tenu par son frère pendant deux ans. Il y découvre des secrets de famille terribles liés au passé nazi de leur père, ancien officier SS réfugié en Algérie après la Seconde Guerre mondiale.

Inspiré d’une histoire vraie, Le Village de l’Allemand ou Le Journal des frères Schiller de Boualem Sansal (Editions Gallimard) propose une réflexion véhémente autour des liens de la filiation, le combat contre l’oubli et le négationnisme. Une parole nécessaire – hier, aujourd’hui, demain – à lire ou à entendre sur la scène des Gémeaux Parisiens.

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DANTON, ROBESPIERRE. LES RACINES DE LA LIBERTÉ – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥♥ Dernière rencontre entre Danton et Robespierre, deux figures majeures de la Révolution française. Danton, géant excessif et spontané, amoureux du plaisir ; Robespierre, ascète élégant et réfléchi, philosophe de la Révolution. Deux conceptions de la vie, deux visions du bonheur séparent ces deux amis de légende. À une époque où, pour ses idéaux, on franchit sur l’échafaud les portes de la mort en chantant, vivre est un combat. Leur ultime joute verbale sera menée tel un duel jusqu’à la mort.

Dernier face-à-face, Danton et Robespierre, autour d’une immense table noire. Dès les premières répliques, le public plonge dans un moment essentiel de l’histoire de France. Le texte puissant d’Hugues Leforestier, mêlant astucieusement savoir historique et réflexion sur les aléas politiques rimant les destinées, est porté par la sobre mise en scène de Morgane Lombard. Il est ponctué de pointes d’humour et d’idées d’humanisme d’avant-garde. Passionnant d’un bout à l’autre. Le jeu des comédiens – Nathalie Mann et Hugues Leforestier – est hors pair. (Il n’y a pas d’erreur, c’est bien une femme qui joue le rôle de Robespierre, elle est vraiment remarquable de vérité.) Les costumes et les perruques d’époque sont magnifiques.

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MA FAMILLE EN OR – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥♥ La famille Demasure, héritière surprise d’un milliardaire argentin, doit se retrouver au complet en Amérique du Sud pour toucher une fortune. Le père hypocondriaque et parano, la mère acheteuse compulsive et Arthur, le fils chouchou de sa maman trop sûr de lui, après moults tergiversations, sont prêts au départ. Manque à l’appel Ariane, la sœur rebelle. Partie faire le tour du monde depuis trois mois, personne ne sait où elle se trouve. Plus encore, elle ne veut plus entendre parler d’eux. Prêts à tout pour toucher cet argent tombé du ciel, tous trois s’engagent dans un road trip totalement délirant pour la retrouver. Sa passion pour Hergé et son illustre reporter Tintin dessinera sa feuille de route et les aidera à la retrouver. Cette épopée familiale sera l’occasion pour les vieux secrets et les anciennes rancunes de refaire surface et de découvrir les raisons qui ont poussé cet inconnu à leur léguer sa fortune.

Ma famille en or est une aventure familiale aussi hilarante qu’initiatique de Joseph Gallet et Élodie Wallace. La mise en scène d’Anne Bouvier nous embarque aux quatre coins du monde : Égypte, Tibet, États-Unis… On s’y croirait grâce au décor modulable à l’envi, au fond musical, aux costumes… Il nous semble sentir les encens et les épices. Si la mise en place de la situation est un peu longue, le déroulé par la suite nous mène de surprises en situations comiques avec délice. Le jeu des comédiens – Jean Fornerod, Joseph Gallet, Marie-Hélène Lentini, Mathilde Hennekine – est orchestré avec une précision d’orfèvre. Le rythme est effréné, les péripéties sont multiples et les révélations inattendues. Quant à leurs réactions, elles sont authentiques. Le tout, sans pathos ni mélodrame. Un vrai plaisir théâtral.

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LE LIVRE OUBLIÉ – FESTIVAL SenS – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥♥ Il voulait être seul. Et puis, elle entre dans son compartiment. Elle ne le regarde pas. Pire encore, c’est comme s’il n’existait pas. Elle lit. Mais il est libre, disponible. Surtout, lui est un homme à femmes et voudrait bien entamer avec elle la conversation. Comme ça, pour le plaisir de l’échange. Mais qui est-elle ? À quoi joue-t-elle ? Pourquoi cette indifférence ? Qui est cette inconnue, proche de la Passante de Baudelaire ? Que cache-t-elle ? Une station. Il l’aide à descendre sa grande et lourde valise. Elle descend du train, elle s’éloigne. Il reste seul comme il le souhaitait. Par mégarde, à moins que ce soit volontaire, elle a oublié le livre qui accaparait tant son attention il y a peu. Aussitôt, lui reviennent en mémoire de beaux textes sur les femmes et la séduction.

Dans une mise en scène épurée et une scénographie minimaliste, une simple banquette, Jean-Pierre Bouvier est parfois grave, parfois sensible, toujours rieur. Il raconte la « Femme » en empruntant ses mots aux personnages célèbres des œuvres de Racine, Beaumarchais, Molière, Cervantès, Claudel et de tant d’autres. Il les raconte « elles » pour mieux se dévoile « lui ». Il passe par tous les sangs, Dom Juan dépité et passionné. Est-ce un rêve ou un fantasme ? Un hommage à la Femme ou une ode au désir charnel ? Le tout est habilement mené en mots par Jean-Philippe Arrou-Vignod, l’architecte de ce bel assemblage littéraire.

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FESTIVAL OFF AVIGNON 2025 – ROSSIGNOL À LA LANGUE POURRIE – (vu au FESTIVAL SENS – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS)

♥♥♥ Issus du recueil Le Cœur populaire paru en 1913, les soliloques du Rossignol à la langue pourrie de Jehan-Rictus, de son vrai nom Gabriel Randon, sont un manifeste en faveur des petites gens, des besogneux et des malfrats des faubourgs populaires de Paris du début du XXe siècle, tous les oubliés de la vie que nul ne veut voir ni même entendre parce qu’ils ont une vie chaotique et un langage bien à eux. Six portraits bruts et authentiques en sont extraits ; ils sont entrecoupés de brefs intermèdes musicaux pour apporter un brin de douceur.

Les personnages de Jehan-Rictus sont d’une vérité bouleversante. Les mots claquent comme des coups de semelle sur le pavé, les formules argotiques s’entrechoquent comme les dents des miséreux condamnés au grand vent. L’émotion rythmée de ses octosyllabes (plus proche au parler de tous les jours que les alexandrins) comme la simplicité apparente de son langage établissent une singulière communication entre le poète et le public, qu’il soit féru de poésie ou pas.

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L’ARLÉSIENNE – FESTIVAL SENS – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥♥ Frédéri, garçon de la campagne, est fou amoureux d’une jeune fille de la ville d’Arles, rencontrée aux arènes. Ses parents consentent finalement à ce mariage. Un jour, un homme vient parler au père de Frédéri et prétend qu’il a été l’amant de cette Arlésienne. Il lui montre des lettres qui attestent ses dires. Le lendemain, le père raconte toute l’affaire à son fils, qui renonce au mariage mais ne peut oublier l’Arlésienne. Comme ses parents se montrent inquiets à son sujet, il décide de donner le change en paraissant gai. Rongé par le chagrin pour son amour irrépressible, il finira par se suicider.

L’Arlésienne est à l’origine une brève nouvelle d’Alphonse Daudet extraite des Lettres de mon moulin (1869). L’auteur s’est librement inspiré d’un fait divers qui lui fut raconté par le poète Frédéric Mistral : à la suite d’une déception amoureuse, son neveu s’était suicidé en se jetant d’une fenêtre du mas familial sur une dalle de pierre. Trois ans plus tard, Daudet l’adaptera pour la scène (Georges Bizet pour la musique).

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FESTIVAL SENS – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS – Mai 2025

Au mois de mai, selon le dicton populaire, nous devons faire ce qu’il nous plaît… Eh bien, allons au théâtre des Gémeaux Parisiens où se tiendra pendant ce mois printanier le premier festival parisien du seul.e en scène. Nathalie Lucas et Serge Paumier, directeurs des lieux, en sont les organisateurs.

Pari(s) audacieux et « une volonté de faire entendre des textes de tous horizons, portés par onze artistes, dans un moment amené à devenir un événement, tant le projet est rare et ambitieux. Si l’art du théâtre est l’art de jouer avec les autres, alors la performance solitaire scénique relève assurément de cet art. Seul en scène, on ne l’est jamais vraiment. On joue avec nos fantômes et ceux des autres, avec les souvenirs qui nous hantent ou nous ravissent, avec tous ceux qui peuplent notre imaginaire. On fait le clown mais la tragédie peut surgir à tout moment. On fait entendre des parcelles de nous, on révèle au monde nos parts d’ombre et de transparence. On brûle des mots qu’on déclame et nos regards sont embués de tendresse. Être seul en scène, c’est aussi converser avec un auditoire silencieux, complice, qui tente d’entendre les soubresauts de l’âme, les éclats du cœur. Le seul en scène comme un miroir teinté d’humanité », souligne William Mesguich, l’heureux parrain de l’événement.

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LES FROTTEMENTS DU CŒUR – FESTIVAL SENS – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥♥ Une jeune femme tombe malade. La grippe, quoi de plus banal. Mais la maladie s’aggrave et elle est transportée d’urgence à l’hôpital. Son pronostic vital est engagé, son cœur très affaibli : l’équipe médicale décide de lui greffer une machine de circulation extracorporelle. Comme c’est étrange, à 29 ans, d’avoir le cœur qui flanche… Comment faire pour survivre ? Comment revenir au monde ? Une histoire de montagne à gravir, de brouillard à traverser, de résilience et d’amour. Une plongée dans l’univers surréaliste, épique et désespérément drôle de la réanimation. D’après une histoire vraie. Celle de Katia Ghanty, interprétée par elle-même.

« En réanimation, malgré le soutien inestimable des proches et parfois des soignants, on est seul : c’est un lieu où l’on expérimente un isolement inédit, une solitude qu’on ne connaîtra nulle part ailleurs. La parole du patient est gelée, ignorée, balayée, par les conditions délétères dans lesquelles les soignants travaillent, mais aussi par la violence induite par la proximité de la mort, la froideur de l’arsenal technique, l’agitation et le vacarme constants, l’absence totale d’intimité, l’horreur du corps qu’on ne contrôle plus, qui nous échappe, qui périclite inexorablement… »

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JE M’APELLE ADÈLE BLOOM – THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS

♥♥♥ Hôpital psychiatrique de Providence à Halifax (Canada). Fin des années 1940. Adèle Bloom, une jeune employée de la Poste souffrant d’inadaptation sociale, vient d’y faire son entrée à l’initiative de sa mère. Dans le pavillon des « bonnes malades », tout lui semble hostile, à commencer par l’infirmière en chef, Miss Wilbord, qui l’écrase dès la première entrevue de toutes les recommandations de l’institut… Heureusement, Poppie, une internée de longue date, fantasque et énigmatique, laisse entrouverte à Adèle la porte d’une humanité perdue.

Délestée de tous ses droits dès son arrivée à l’institut Providence d’Halifax, Adèle Bloom est envahie d’indicibles terreurs : Quand pourra-t-elle rentrer chez elle ? De quels sévices fera-t-elle l’objet ? En quoi consistent exactement ce traitement à la mode par l’électricité et ces nouvelles opérations du cerveau testées par le directeur de l’établissement dans un tourbillon médiatique ? Le temps passe au rythme des rites de l’hôpital où tout lui semble hostile, à commencer par l’infirmière en chef, Miss Wilbord, tandis qu’une patiente célèbre, Rosemary Kennedy (sœur cadette de John Fitzgerald Kennedy, futur 35e président des États-Unis), glace l’atmosphère de l’institut par sa présence muette.

Je m’appelle Adèle Bloom suit le parcours romanesque et haletant d’une jeune femme écrivain dans cet asile psychiatrique canadien, de son entrée, à l’initiative de sa mère, jusqu’à sa sortie grâce à la miraculeuse parution de son livre, écrit en secret durant huit années d’internement, décrivant les traitements expérimentaux dévastateurs mis en œuvre sur sa personne. La pièce de Franck Harscouët interroge sur le pouvoir de la création, la frénésie du monde médiatique et la question irrésolue de la folie. Avec ses allures de thriller mental, s’y croisent d’incroyables faisceaux de faits réels dans lesquels sont invités les fantômes d’Adèle Hugo, de Frances Farmer, de Rosemary Kennedy et de cette figure scandaleuse de la neurochirurgie américaine, Walter Freeman, qui a connu des années de gloire médiatique avant que ses travaux soient décriés par ses pairs pour leurs mutilations irréversibles et totalement inutiles.

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