UN CAFÉ AVEC LAURENT CODAIR -DIRECTEUR COMMUNICATION DU THÉÂTRE DE POCHE-MONTPARNASSE

 

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Catherine Salviat, sociétaire honoraire de La Comédie-Française et Laurent Codair

« Le théâtre de Poche-Montparnasse est d’abord un théâtre de création. »

En cette fin d’été, comme bon nombre de théâtres parisiens, le théâtre de Poche-Montparnasse n’a pas encore rouvert ses portes. C’est donc, au café « La Ruche » sur le boulevard du Montparnasse, au nom joliment prédestiné pour l’entretien, que je rencontre Laurent Codair, le directeur de la communication du « Poche ». Amoureux du lieu, passionné par son métier, des projets plein la tête, Laurent m’a fait découvrir ce joli lieu qui occupe une place particulière dans le paysage théâtral parisien et  connaît un très beau succès public et critique depuis sa réouverture en 2013. Une rencontre ultra chaleureuse à quelques jours de la rentrée.

 

Coup de théâtre : Bonjour Laurent, racontez-nous l’histoire du « Poche ».

Laurent Codair: Le Poche a été créé en 1942, par Marcel Oger qui a ouvert cette petite salle avec quelques amis au cœur de ce quartier Montparnasse, si foisonnant artistiquement. Le lieu s’est, dès l’origine, défini comme un espace de création qui accueillait de jeunes auteurs, de jeunes comédiens ou metteurs en scène peu connus à l’époque. Dès l’année suivante, le Poche a commencé à bénéficier d’une certaine notoriété avec l’arrivée de Jean Vilar qui a mis en scène et joué Orage d’August Strindberg. Et puis, les années ont passé, l’aventure a continué. Des artistes renommés ont rejoint le Poche comme le mime Marceau, Roland Dubillard, Marguerite Duras, Claude Regy, Sylvia Monfort… Beaucoup de créations, dont certaines sont devenues des « classiques », comme Le Mal court de Jacques Audiberti avec notamment la jeune Suzanne Flon que le public découvrait, ou La Leçon de Eugène Ionesco, ont égrené ensuite son histoire. Fidèle à cet héritage, le Poche reste aujourd’hui un théâtre de création qui programme aussi bien des pièces du répertoire que des créations contemporaines.      

photo 80Le théâtre est dirigé par Philippe Tesson depuis 2011.

L.C.: Oui, Philippe Tesson a repris la direction avec Stéphanie Tesson et Charlotte Rondelez en novembre 2011. Il a fait réaliser des travaux qui ont permis de mettre aux normes la salle principale et de créer une deuxième salle entièrement modulable au sous-sol dédiée aux spectacles d’expérimentation et de compagnie (ndlr: le théâtre de Poche-Montparnasse dispose aujourd’hui de 128 places dans la salle principale et 95 dans la salle en sous-sol). Le Poche a rouvert ses portes en janvier 2013. Dès l’origine, Philippe Tesson a eu le projet de faire de ce théâtre une « ruche », un véritable lieu de création avec l’envie de susciter la curiosité et l’interactivité avec le public, en collaboration avec sa fille Stéphanie Tesson et Charlotte Rondelez.

Comment décrire l’esprit des lieux en trois mots ?

L.C. : J’en donnerais plutôt quatre : création, « ruche », auteur et texte, une sorte d’équation « sacrée » qui forge l’identité des lieux. Avec des objectifs forts : allier le divertissement et la réflexion, ouvrir le débat, les échanges entre les spectateurs et les artistes.

Comment s’élabore la programmation ? Sur quels critères?

L.C. : La programmation se base sur des textes du répertoire et des textes contemporains. Nous tenons vraiment à inscrire le TEXTE comme critère de programmation, quelle que soit sa forme (comédie ou tragédie, textes écrits pour la scène ou adaptations théâtrales d’œuvres littéraires, ..). Le choix des textes est impulsé par Philippe Tesson qui a plus de cinquante ans de critiques dramatiques à son actif. Il part de ses souvenirs d’œuvres représentées, de textes et parallèlement, le trio de direction a une vraie curiosité pour la scène actuelle, les jeunes compagnies, ce qui nous amène à créer des projets de A à Z, comme Madame Bovary, qui a obtenu un joli succès la saison passée avec une nomination aux Molières.

LA VERSION BROWNING

LA VERSION BROWNING de Terence Rattigan. Adaptation et mise en scène de Patrice Kerbrat. Au théâtre de Poche-Montparnasse à partir du 1er septembre © Pascal Gely

Comment expliquez-vous le succès ou l’échec d’une pièce ?

L.C. : C’est très difficile de savoir si une pièce va marcher ou non. D’abord si on la monte, c’est qu’on pense qu’elle suscitera l’intérêt du public. Et effectivement, on a vécu de très belles aventures, avec par exemple The Servant (ndlr : Molière du meilleur comédien au théâtre privé en 2015 pour Maxime d’Aboville) ou Chère Elena avec le travail formidable de mise en scène de Didier Long, saluée par quatre nominations aux Molières dont celui de la révélation masculine attribué à François Deblock. Le succès repose je crois sur une trinité quasi « sacrée » : un texte, un metteur en scène et des acteurs et bien sûr sur le rendez-vous avec le public. Il faut être fidèle à notre mission de programmation, tenir la promesse artistique qu’on a fait auprès du public et toujours garder le même niveau d’exigence.

Theatre_de_poche_023Quels sont les atouts du lieu par rapport aux autres théâtres du quartier Montparnasse ?

L.C. : Je dirais la convivialité ! On propose au public un accueil et un accompagnement particulier: des rencontres, des échanges avec les comédiens après le spectacle… Si cela peut surprendre le public au départ, il y prend goût très vite. Même chose du côté des comédiens qui se sentent bien chez nous : on échange avant les représentations, on les retrouve après la représentation au bar, on les accompagne dans l’aventure au quotidien. On est presque comme dans une « maison » et c’est indispensable d’entretenir cette convivialité à la fois avec les artistes qu’avec le public, surtout à l’heure du « tout » numérique. L’un ne va pas sans l’autre !

Quelles sont vos ambitions aujourd’hui ?

L.C. : Notre défi est de continuer à surprendre, à susciter l’intérêt, l’appétence, la curiosité, et bien sûr de continuer à être à la hauteur des attentes. Depuis trois ans, nous avons accueilli plus de 220 000 spectateurs. Un spectateur sur deux revient au Poche après être venu découvrir un de nos spectacles. Il faut poursuivre cette dynamique !

Selon vous, quels sont les défis du théâtre privé aujourd’hui ?

L.C. : Le défi c’est de trouver sa place au milieu d’une offre de plus en plus large. Et venant du théâtre public, je me suis toujours demandé pourquoi le théâtre privé ne se donnait pas les moyens d’avoir une vraie réflexion sur son image, sur son projet artistique comme le fait constamment le théâtre public. Pourquoi les directeurs de salles de théâtres privés n’utilisent pas leur patrimoine, leur programmation pour établir un positionnement clair, définir une identité ? A quoi, on m’a toujours répondu que le théâtre privé ne dispose pas des moyens financiers sur lesquels s’appuie le théâtre public. Aujourd’hui, je prouve le contraire, en ayant la chance c’est vrai de travailler avec des directeurs qui me font confiance. Le théâtre privé trouvera son salut en se spécialisant, comme le secteur de la presse, en définissant une vraie identité, un positionnement dirait-on en marketing. Si on veut capter l’attention du public aujourd’hui, il faut être ambitieux et fort de propositions de qualité bien sûr.

Saison 1617Diriger la communication d’un théâtre,  qu’est que cela recouvre au quotidien ?

L.C. : Ma mission est double : rendre la programmation visible au plus large public possible et développer la notoriété de ce petit théâtre. Je travaille au quotidien sur tous les outils de communication : édition – nous éditons une brochure avec les spectacles de la saison, des tracts, des dossiers de presse les plus complets possible -, supports numériques (site web, réseaux sociaux, newsletter,..), gestion des achats d’espaces publicitaires, des relations presse, développement des partenariats. J’essaye d’ailleurs de nous associer chaque année à un nouveau grand media pour permettre à l’ensemble de nos productions de bénéficier d’une large visibilité. Cette année, nous reconduisons un partenariat avec France Télévisions et c’est une vraie fierté car leur intérêt pour notre programmation est sincère. Il y a eu un gros travail fait également sur la charte graphique du Poche réalisée en collaboration avec Pierre Barrière, notre graphiste-concepteur, visant à refléter l’identité et les valeurs du Poche. Et puis nous continuons à explorer de nouvelles formes de communication avec le numérique. Une vraie dynamique au cœur de la « machine Poche » !

Quel a été votre parcours ?

L.C. : Mon parcours est atypique. Après des études de lettres, j’ai été danseur professionnel pendant 15 ans. J’ai terminé ma carrière à Londres et je me suis formé en communication à mon retour à Paris. J’ai travaillé dans un bureau de presse indépendant puis j’ai intégré La Comédie-Française comme responsable des relations presse et partenariats media de sa deuxième salle, le Théâtre du Vieux Colombier en même temps que des missions annexes comme celle du Festival d’Avignon au service de presse. Des années formidables pendant lesquelles j’ai retrouvé cette forme d’exigence, de rigueur que j’ai connue en tant que danseur classique et j’ai rencontré évidemment des comédiens d’exception avec qui je suis toujours en contact. Je suis très heureux à ce propos d’accueillir Catherine Sauval, sociétaire au Français qu’elle vient de quitter, pour Jules Renard, l’homme qui voulait être un arbre, un spectacle formidable qu’elle a créée sous la forme d’une carte blanche au Théâtre du Vieux-Colombier et qu’elle présente à partir du 26 septembre et Léonie Simaga qui signe la mise en scène de Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute en novembre prochain. Il y a beaucoup de plaisir à développer une mission d’éducation au près du jeune public d’aujourd’hui qui sera celui de demain.

Merci Laurent. Et pour conclure, votre mot « théâtre » préféré ?

L.C. : J’en ai deux ! (rire) : TOÏ TOÏ un mot joyeux, universel, qu’on se dit partout dans le monde pour se souhaiter bonne chance avant d’entrer sur scène. Et puis un mot que j’aime beaucoup, rond et généreux : BRAVO.

Propos recueillis par Elisabeth Donetti

THÉÂTRE DE POCHE-MONTPARNASSE

75 boulevard du Montparnasse, 75006 Paris

 

 

 

 

 

 

AH ! LE GRAND HOMME – THÉÂTRE DE L’ATELIER

GRAND HOMME AfficheDes comédiens (connus ou moins connus) sont convoqués par un metteur en scène légèrement fumeux et un sous-directeur un peu dépassé. Ils ont pour mission de rendre hommage au grand Jean Vilar le soir même sur scène…

« Ah ! Le grand homme » de Pierre et Simon Pradinas se veut une farce débridée, un haut délire en couleurs, à la gloire des grandes figures du théâtre.

Tous les comédiens – Yvan Le Bolloc’h, Jean-Jacques Vanier, Jean-Luc Porraz, Stéphan Wojtowicz, Aurélien Chausade, Jean-Pierre Malignon et Serena Reinaldi – campent merveilleusement bien leurs personnages. La caricature du milieu artistique et la rivalité entre comédiens sont bien vues. Mais le jeu est trop lent pour faire mouche. Sans doute est-ce la faute de la mise en scène de Panchika Velez jamais en accord avec la farce délirante qui nous est annoncée. Il faut attendre plus d’une heure pour entrer dans le vif du sujet et voir enfin s’exprimer le talent et l’humour des comédiens… C’est long. Trop long. « Ah ! Le grand homme » : un grand dommage.

Le regard d’Isabelle

AH ! LE GRAND HOMME

Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, 75018 Paris

Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 15h

Relâche exceptionnelle le jeudi 21 janvier 2016

Crédit photo : Christopher Vootz