FIN DE PARTIE – THÉÂTRE DE L’ATELIER

♥♥♥♥ Des murs gris avec deux fenêtres qui ouvrent sur la mer d’un côté, sur la terre de l’autre. Dans ce décor volontairement dépouillé qui évoque la fin du monde, le tyrannique Hamm, aveugle et cloué dans un fauteuil roulant, et son fils adoptif Clov (ou son domestique ?), taiseux et boiteux, jouent tous les jours une comédie qui semble ne jamais devoir finir. L’un donne des ordres, l’autre les exécute. Leur dialogue absurde est émaillé de jeux de mots et non dépourvu d’humour (noir forcément).

Nous assistons à un huis clos entre deux êtres que tout semble opposer ou peut-être n’est-ce que les deux faces du même être, pris dans la dialectique du maître et de l’esclave, tour à tour cynique, autoritaire, égoïste (Hamm) ou servile, dépendant du désir de l’autre (Clov)…  Dans le théâtre de Beckett, pas de psychologie, tout repose sur les mots et les actions des personnages, réduites à l’essentiel (aller, venir, manger, ouvrir une fenêtre, prendre un médicament). Beckett nous fait entrevoir une existence dépourvue de sens, où les êtres semblent englués dans un destin qu’ils ne peuvent pas maîtriser. « La fin est dans le commencement et pourtant on continue. » Cette phrase semble résumer à elle seule toute la condition humaine.

Ainsi en est-il des parents de Hamm, Nell et Nag, qui surgissent par instants du tonneau où ils vivent enfermés. Ils ne sont pas morts, mais c’est tout comme, réduits qu’ils sont au désir de Hamm qui les nourrit et les oblige à écouter ses histoires. De même, Hamm et Clov regardent leur vie se dérouler devant eux comme des spectateurs dans un théâtre. Ils ne s’aiment pas, mais ils ont besoin l’un de l’autre pour survivre face au temps qui s’écoule inexorablement : « Clov : À quoi je sers ? » « Hamm : à me donner la réplique. »

La mise en scène millimétrée de Jacques Osinsky (grand admirateur et spécialiste de Beckett) sert à merveille la complexité du texte et met en avant la complémentarité entre les deux acteurs principaux. Dans le rôle de Hamm, Frédéric Leidgens pérore, magnétique, dur et détaché à souhait. Face à lui, clown dérisoire, Denis Lavant impressionne par sa gestuelle décalée et sa maladresse. Tel un pantin désarticulé, il va et vient, monte et descend sur une échelle, obéissant sans réfléchir aux ordres absurdes de son maître. Derniers vestiges de l’humanité, ils jouent devant nous une partie qui n’en finit pas de finir.

Le billet de Véronique

FIN DE PARTIE
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles-Dullin
75018 Paris
Jusqu’au 16 avril 2023
Du mardi au samedi à 19 h, relâche le 20 janvier

Dimanche à 15 h

Crédits photo : Pierre Grosbois

Laisser un commentaire