♥♥♥ 6 juillet 2019, 21h30. Une nuit bleu marine surplombe la grandiose cour d’honneur du Palais des Papes. J’ai le privilège d’assister à « Architecture » – retransmise en direct sur France5 ce soir-là-, la pièce fleuve de Pascal Rambert qui fait l’évènement de cette 73eme édition du Festival d’Avignon. Je ne sais pas si la pièce marquera l’histoire du Festival mais au-delà de l’émotion procurée par la majesté des lieux, la pièce, belle quoiqu’imparfaite, est un moment de théâtre tout à fait mémorable, graphiquement superbe, portée par des comédiens au sommet de leur art.
« Architecture » raconte l’histoire tragique et tumultueuse d’une brillante famille de la Vienne du début du siècle à la veille de la Seconde guerre mondiale. Une famille déchirée, sous la coupe d’un père violent et fou, brillant architecte (admirable Jacques Weber). Une famille intellectuelle aussi où les fils, les filles, les beaux-frères, les belles filles sont philosophes, écrivains, acteurs, peintres ont voué leurs vies à la pensée, à la beauté, aux idées. Mais tous périront de mort violente face à la montée des périls en Europe qui foudroiera ses esprits les plus brillants. Et Pascal Rambert de s’interroger : « S’ils n’ont pu empêcher le sang, comment ferons-nous dans un temps comme le nôtre si peu armé collectivement si le sang se présente à nouveau ? »
Que dire d’Architecture?
-Qu’elle est une pièce brillante par la réflexion qu’elle propose sur la dynamique du monde à travers l’idée suivante : les liens que l’on croit inébranlables qu’ils soient à l’intérieur d’une famille, d’un pays, ne le sont pas et ne nous empêchent pas de tomber dans un gouffre, que la résistance des hommes, même des plus brillants, n’est rien face à la montée des périls, des nationalismes, des guerres ;
-Qu’elle est une pièce parfois trop dense et trop verbeuse à vouloir traiter beaucoup de thématiques, de la volonté d’émancipation des femmes à l’homosexualité interdite, qui offre d’ailleurs l’un des plus moments les plus émouvants du spectacle (magnifique monologue de Stanislas Nordey avouant tardivement son homosexualité à son père tyrannique) ; qu’elle gagnerait sûrement malgré tout à plus de concisions (le monologue interminable de J. Weber en début de représentation par exemple) ;
-Qu’elle est un plaisir des yeux, une pièce absolument superbe graphiquement, aux lignes pures, magnifiquement mise en lumière, superbement costumée, un ballet des corps et des mouvements ;
-Qu’elle est portée par un casting d’exception, certes portée par le grand Jacques Weber, pour la première fois à Avignon, dans le rôle de ce grand architecte austro-hongrois tyrannique, mais entourée par des comédiens d’exception, citons Laurent Poitreneaux, Denis Podalydès, Anne Brochet entre autres.
Un moment de théâtre fort, dense, émouvant, qui partagera certainement la critique, après tout l’essentiel.♦
Signé Elisabeth
COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES, 84000 Avignon