♥♥♥ Un frère, une sœur s’aiment d’amour, mais elle veut partir, le quitter, s’échapper. Ils se retrouvent dans la villa Agatha, villa de villégiature familiale maintenant laissée à l’abandon et qui les a vus grandir, d’été en été, jusqu’à ce qu’ils se marient chacun de leur côté.
L’inceste, cet amour interdit, « c’est un amour et c’est la mémoire » dit Marguerite Duras. Hans Peter Cloos signe ici une mise en scène émouvante, qui allie magistralement la tension de l’interdit et la poésie du souvenir. Avec une heure quarante de huit-clos, il y avait risque d’ennui, mais le spectacle est construit d’une telle manière que l’on pénètre dans une sorte de monde parallèle, qui n’est ni tout à fait le présent ni tout à fait le passé et où le temps d’écoule plus lentement, où les minutes s’emplissent de silence et sens.
La merveilleuse musique (Pygmy Johnson), mélancolique et fragile, convenait tout à fait à ce style contemplatif, tout comme les décors vintage de maison abandonnée, au désordre peut-être un peu trop étudié. En revanche, je n’ai pas trop compris le sens de certains changements de costumes. Les vidéos projetées en modération sur le mur en brique au-dessus du décor étaient la bienvenue en tant qu’interludes, mais m’ont un peu distraite de la beauté du texte et du jeu des acteurs quand elles présentaient de façon trop prévisible les deux héros enfants, sur des marches, puis la nuit, voguant dans une barque sur le fleuve. Quelque chose m’a profondément touchée quand les acteurs se filmaient l’un l’autre sur scène et que cette vidéo paraissait sur les murs de la villa. Il y avait là-dedans la gaieté innocente des jeux d’enfants et l’intimité tendre de l’amour. C’était comme si les personnages, ensemble avec les spectateurs, regardaient le présent déjà comme un souvenir.
Alexandra Larangot était convaincante dans son rôle de femme-enfant gâtée, langoureuse et insolente, cependant cela devient un brin monotone et je me demande si son personnage n’aurait pas d’autres facettes à explorer. Florian Carove, quant à lui, rendait bien la maladresse attendrissante de son personnage, mais il ne semblait pas encore tout à fait à l’aise dans son rôle. Il y avait visiblement une bonne dynamique entre les deux acteurs, mais cela ne vous prenait pas à la gorge non plus. Gageons cependant que ce n’était que les nerfs de la première représentation et qu’ils prendront en assurance.
Cette version d’AGATHA arrive non seulement à mettre en valeur le texte de Marguerite Duras de manière intéressante mais créée également une beauté visuelle propre qui nous travaille de l’intérieur sans qu’on s’en aperçoive. Certes, quelques choix de mise-en-scène sont discutables et le jeu des acteurs peut encore s’améliorer, mais le tout vaut tout de même la peine d’être vu. ♦
Le billet de Claire
Café de la Danse, 5, rue Louis-Philippe, 75011 Paris (Métro : Bastille)
Du 7 Sept. Au 7 Oct. 2017 (16h30, 17h, 20h30 selon les jours)
Crédit photos : Lot