C’est l’histoire d’une rencontre entre deux femmes. Que rien ne devait réunir. Et que la musique sauvera. Allemagne, dans les années 80. Traude Krüger est une professeure de piano d’un certain âge, aux allures de vieille fille psychorigide et autoritaire, secrètement blessée par un passé qu’on devine douloureux. Elle dispense des cours de piano en prison, où elle rencontre Jenny Von Loeben, jeune taularde néo-punk de 20 ans écorchée vive, incontrôlable et accusée à tort du meurtre de son père qu’elle n’a pas commis. La professeure, d’abord réfractaire à éduquer musicalement la jeune femme, se prendra progressivement d’amitié pour cette rebelle, qui se révélera une musicienne surdouée. Elle donnera toute sa force et sa détermination à la préparer au concours des jeunes pianistes du Conservatoire. Une audition de quatre minutes qui pourra changer le cours de leurs vies. L’opportunité inespérée d’un nouveau départ ?
Deux femmes que tout oppose, deux parcours douloureux, deux résonnances à un passé inavouable. Mais une passion commune pour la musique qui leur permettra de s’affranchir du poids des secrets et de retrouver l’énergie de s’exprimer et la rage de vivre. Voilà en substance le sujet de la pièce Quatre Minutes, tirée du film allemand éponyme de Chris Kraus sorti sur les écrans français en 2008.
Au-delà de la confrontation des deux femmes et du salut par la musique, et sans dévoiler plus avant l’intrigue, la pièce plonge également le spectateur au cœur de sujets plus lourds : régime nazi, homosexualité féminine, résistance face à la mort, au silence, à l’oubli… Comment surmonter le deuil ? Comment s’affranchir d’un passé encombrant ? Comment reconstruire sa vie ? La pièce y répond par un très beau message d’espoir. La mise en scène, signée Jean-Luc Revol, permet au spectateur de suivre la pièce comme un film, par le découpage très cinématographique des scènes et la variété des décors (coulissants… astucieux !), qui font «voyager» de l’établissement carcéral froid et austère, vers l’intérieur douillet de Madame Krüger en passant par les coulisses d’une grande salle de concert. Sur le plateau, aux côtés de comédiens expérimentés (Andréa Ferréol dans le rôle de Traude Krüger, Erick Deshors et Laurent Spielvogel incarnant respectivement un gardien de prison et le père adoptif de Jenny), la jeune comédienne Pauline Leprince dans le rôle de Jenny brûle littéralement les planches : assurément la révélation de la pièce ! Parfaitement juste dans la composition de son personnage, engagée physiquement à 100%, elle offre de belles prestations dans ses confrontations avec Andréa Ferréol – même si j’ai regretté son débit parfois un peu rapide -, aussi à l’aise dans les intentions de colère, de désespoir, d’espoir naissant ou de nostalgie. Assurément, du talent et de la générosité à revendre. Une comédienne à suivre. Au final, du bel ouvrage ! Dommage seulement que le titre de la pièce (et l’affiche) ne soit pas plus évocateur du thème central et des sujets pourtant nombreux de la pièce. A l’affiche jusqu’au 20 décembre.
Le point de vue d’Elisabeth
Théâtre La Bruyère • 5 rue La Bruyère, 75009 Paris
Du mardi au samedi à 21h
Matinée samedi à 15h
Jusqu’au 20 décembre 2014