Dès son entrée en scène dans la demi-obscurité du plateau de l’Atelier vendredi dernier, le charisme de Jacques Weber agit irrésistiblement : une présence physique incontestable, une diction parfaite, une puissance vocale qui interpellent à la première réplique et nous font instantanément comprendre que l’on va assister à un grand moment de théâtre. A l’occasion de 30 représentations exceptionnelles, le comédien se glisse pendant une heure et demie dans la peau de Gustave Flaubert et nous fait découvrir dans un soliloque grandiose et puissant non pas l’écrivain mais l’homme intime, insoumis, anarchiste, libre jouisseur, combattant des petits-bourgeois et de l’étroitesse d’esprit de ses contemporains. Le verbe est haut, les mots souvent crus, la parole libre sur une succession de thèmes variés et d’une formidable actualité : le pouvoir, les femmes, l’amour, la postérité, les honneurs… Un formidable texte signé Arnaud Bédouet et librement inspiré de la correspondance de Flaubert. Car l’auteur de Madame Bovary a laissé une impressionnante correspondance dans laquelle il se laissait aller à une écriture plus libre, plus personnelle, plus truculente sans crainte de l’interdit ni des jugements de son époque et offrait son regard ironique et pessimiste sur l’humanité.
Jacques Weber travaille ses gammes dans ce rôle qui lui va comme un gant. Il est vrai qu’il fréquente sur scène depuis plus de vingt ans l’écrivain normand et plonge régulièrement dans les pages flamboyantes de la correspondance de Flaubert, dont il est un grand admirateur. Le comédien joue le texte avec une intelligence, une acuité et une délectation jubilatoire. Aussi à l’aise dans les indignations que les désespérances, les tourments que les insoumissions (formidable scène de l’Académie française), le comédien excelle. Du grand art devant un public proprement ébloui. Une réussite.
Le point de vue d’Elisabeth
Théâtre de l’Atelier • 1 place Charles-Dullin, 75018 Paris
Du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h30
Jusqu’au 31 décembre 2014
Crédit photos : Kim Weber