OBLOMOV –THÉÂTRE ESSAÏON

♥♥♥♥ Se lèvera ou se lèvera pas ? Oblomov est une sorte d’« aquaboniste » qui vit dans la Russie de la fin du XIXe siècle, dirigée par une aristocratie en pleine décadence. Reclus dans son appartement avec son vieux domestique Zakhar, il passe toutes ses journées au lit, repoussant sans cesse les tâches de la vie courante qu’il juge futiles. Le cadre feutré de la petite salle de l’Essaïon se prête merveilleusement à la mise en scène intimiste adoptée par Jacques Connort pour ce drôle de duo maître-valet.

Nous sommes littéralement dans la chambre d’Oblomov plongée dans une semi-obscurité, presque au pied de son lit, où le jeune trublion se complaît à se tourner et se retourner devant nous dans un fouillis de draps et d’oreillers. Ce lit, qui occupe tant de place dans la vie d’Oblomov (et sur scène), semble symboliser toute son existence, cocon douillet qui le protège de la réalité. À ses côtés, Zakhar incarne une figure stable et bienveillante, quasi paternelle, qui exhorte vainement son maître à sortir de son apathie et à assumer ses responsabilités.

En adaptant le roman éponyme d’Yvan Gontcharov (1859) en seulement une heure dix et avec deux personnages, LM Formentin a réussi à extraire la quintessence de cette œuvre existentialiste. Il met en avant un antihéros qui navigue entre paresse congénitale et choix assumé de ne pas participer à une société dont il rejette les valeurs et l’agitation stérile. Malgré l’exaspération de Zakhar, le jeune homme ne se résout pas à se livrer à une quelconque activité.

RÊVER SA VIE PLUTOT QUE LA VIVRE
Incapacité de vivre en société ou parti pris existentiel ? Si l’on hésite au début entre ces deux postulats, bien vite, on comprend qu’Oblomov, rêveur impénitent, a choisi de rester dans le monde privilégié de l’enfance qui lui convient mieux plutôt que d’affronter une vie qui lui paraît vide de sens. À ce titre, ses jeux de rôle avec Zakhar, qui est aussi son fidèle complice, sont pleins d’humour et de fantaisie. Lors de ces jeux, Oblomov convoque tour à tour sa mère, et Olga, la femme dont il était fou amoureux… mais à laquelle il a renoncé.

Face à Alexandre Chapelon, très attachant en Oblomov procrastinateur et fantasque, Yvan Varco apporte une maturité et une profondeur remarquables au personnage de Zakhar. Les deux comédiens restituent à merveille les liens complexes qui les unissent, oscillant entre incompréhension, heurts et tendresse. Oblomov est-il heureux ? Le jeune homme lui-même semble incapable de répondre. Peut-être n’est-ce pas la question primordiale pour lui, tout persuadé quil est dêtre fidèle à lui-même.

Démodé, Oblomov ? Pas tant que ça. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec une certaine frange de la jeunesse actuelle, doutant des valeurs consuméristes et du productivisme effréné, qui préfère se mettre en retrait d’un monde qu’elle ne comprend pas plutôt que se battre pour le changer.

Le billet de Véronique

Oblomov
Théâtre Essaïon

6, rue Pierre-au-Lard
75004 Paris
Jusqu’au 22 mars 2025

Tous les jeudis, vendredis et samedis à 21 h

Crédits photo @Pascal Gely

Lire la suite: OBLOMOV –THÉÂTRE ESSAÏON

Laisser un commentaire