
♥♥♥ Les mots frappent, cognent, vont droit au corps et au cœur comme autant de scuds destinés à atteindre l’adversaire. Car c’est bien d’un combat qu’il s’agit ici. Le dernier. Celui que se livrent Audrey et Stan (les vrais prénoms de leurs interprètes) devant nous pour mettre fin à leur histoire d’amour. Deux artistes, qui partagent leur vie et leur travail depuis longtemps.
C’est l’homme – une fois n’est pas coutume – qui lance l’attaque. Pour dire qu’il n’aime plus cette femme, sa femme, qu’il ne la désire plus et qu’il va partir. Mais avant de la quitter, il entreprend, dans un violent monologue, une minutieuse entreprise de démolition de leur amour.
Pour Pascal Rambert, auteur, metteur en scène et chorégraphe, cette pièce a été écrite pour ces acteurs-là. Il l’a écrite pour Stanislas Nordey : « Cette manière unique de faire du langage une respiration entière du corps. (…) Chaque mot devient – de la première lettre à la dernière – un monde abouti et plein. Ce sont des couteaux. Des lames brillantes préparées. Enclenchées. Armées. Soigneusement rangées. Prêtes à être sorties en ordre. »
Face à lui, Audrey encaisse. Ou plutôt, tout son corps encaisse ces mots qui blessent autant sa chair que son âme. Et c’est là toute la force et l’originalité du propos. Tandis que les mots dissèquent le sentiment amoureux, les corps, eux, se tendent, tressaillent, fléchissent, parlant leur propre langage, révélant les sentiments qui les habitent. « Il sait comme personne le corps d’Audrey Bonnet le créer, le silence. Dire : eh alors ? D’avoir l’air soudain super actif dans l’immobilité totale. » Puis enfin, Audrey va répondre dans un autre long monologue, tout aussi brutal que celui de Stan.
Nous sommes happés par les sons qui sortent de la bouche des comédiens, fascinés par leurs corps qui se font face, tendus comme ceux de deux combattants, leur jeu très organique. C’est à celui qui fera le plus mal à l’autre, qui mettra l’autre à terre, littéralement, par le poids de ses mots.
Vous l’aurez compris, si vous êtes du genre sentimental, si vous aimez la tendresse, les « paniers de fraises », selon l’expression de Stan, les happy end, n’allez surtout pas voir Clôture de l’amour. Cela vaut mieux que de sortir en plein milieu comme certains membres du public l’ont fait ce soir-là, au mépris des autres spectateurs et surtout, des comédiens. C’est fort, c’est percutant, ça fait mal. Mais c’est comme l’amour peut l’être parfois, quand tout a été dit.
Pour les autres, c’est un spectacle d’une grande charge émotionnelle, qui les remuera jusqu’au fond de leurs tripes. Avec une formidable performance d’acteurs, qui les laisse pantelants, comme au bord du néant. Vidés. À court de paroles. Âmes sensibles s’abstenir.
Le billet de Véronique
CLÔTURE DE L’AMOUR
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles-Dullin
75018 Paris
Jusqu’au 11 novembre
Le lundi à 19 h, le samedi et le dimanche à 18 h
Durée : 2 heures
Clôture de l’amour a été créée au Festival d’Avignon, le 17 juillet 2011, et a reçu de nombreux prix, dont le Prix de la meilleure création d’une pièce en langue française par le Syndicat de la critique 2012.
En tournée :
22 septembre 2024 / USA – Princeton French Theater Festival
21-23 octobre 2024 / Cameroun – Yaoundé DLA
23-25 avril 2025 / Comédie de Béthune
Crédits photo : Marc Domage

