LE MALADE IMAGINAIRE – THÉÂTRE DES BOUFFES-DU-NORD

♥♥♥ Que nous propose Tigran Mekhitarian, jeune comédien et metteur en scène qui s’attache depuis plusieurs années à faire découvrir les œuvres de Molière au plus grand nombre, dans son adaptation du Malade imaginaire ? L’envie de faire résonner encore et toujours la modernité d’un texte de quatre cents ans, de rendre compte des méandres du cœur, de questionner « la pièce la plus riche dans l’exploration des tréfonds de l’âme », comme il l’explique. Et de « porter au plateau la force destructrice qu’est la solitude pour l’Homme ». Le projet est là, ambitieux, audacieux, inégal peut-être dans sa forme, mais d’une grande générosité.

Argan a quitté sa grande chemise blanche, ses purges, sa chaise percée, ses saignées. Ce soir, sur le plateau, il est assis sur le siège des toilettes, pantalon baissé sur les genoux, les yeux rivés sur son écran de portable, entouré de piles de boîtes d’antidépresseurs, d’ordonnances. Il fait un burn out, se sent seul, infiniment seul et ne fera que s’enfermer dans l’agressivité, le conflit, l’amertume, sa façon à lui d’appeler à l’aide. L’appel d’un homme en grande souffrance, la souffrance que pouvait ressentir Molière lui-même, comme le considère Mekhitarian. Et dans un monde en proie au doute (sa femme perfide Béline, son médecin véreux Purgon, le duo père-fils intéressé Diafoirus), ses alliés se révèleront progressivement : Toinette, la soubrette (convaincante Isabelle Gardien) qui saura le révéler à lui-même, sa fille Angélique (excellente l’Éclatante Marine) qui, dans le conflit qui l’oppose à son père pour choisir l’homme qu’elle aime et non l’homme qu’il lui choisit, lui manifestera le plus beau des amours ou son grand frère Béralde, protecteur et juste.

Pour révéler la modernité de l’œuvre et rendre hommage à son expression originale, la comédie-ballet, Tigran Mekhitarian distille dans sa mise en scène des séquences chantées et chorégraphiées, baignées dans l’univers hip hop. Et s’autorise quelques libertés de texte (respecté à 90 % précisons-le), pour embarquer tous les publics. On s’en affranchirait tant le texte se suffit. Mais c’est précisément la signature de Mekhitarian : l’énergie, le panache et l’insolence, comme autant de leviers pour faire le trait d’union entre XVIIe et XXIe siècle. Et de ce point de vue, malgré quelques longueurs, ce projet théâtral mérite d’être salué.

Signé Elisabeth

LE MALADE IMAGINAIRE

Théâtre des Bouffes-du-Nord, 2 boulevard de la Chapelle, 75018 Paris
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h
Jusqu’au 31 mars 2024

Crédit photo : Laura Bousquet

Laisser un commentaire