
♥♥♥ Avril 1521. Worms (Allemagne). Le jeune Charles Quint a pris les rênes du pouvoir du Saint- Empire romain germanique, dont l’unité se trouve soudain menacée par la révolte du moine Martin Luther, frappé d’excommunication par le pape, et qu’un sauf-conduit, qu’il porte plié dans sa poche, protège contre le bûcher. Lors d’une discussion entre eux deux à l’abri des regards, ils confronteront avec acharnement leurs certitudes et leurs angoisses.
Si les princes ont élu un chef, l’empereur Charles Quint, le peuple en a élu un autre, Martin Luther… L’empereur Charles Quint, marqué par son héritage médiéval, est obsédé par le maintien de la stabilité du monde. Le moine professeur de théologie Martin Luther, indocile et tourmenté, entre en rupture avec l’ordre séculaire imposé par l’Église et entraîne des milliers d’individus dans sa rébellion. Tous deux effrayés par l’inconnu, Luther et Charles Quint présentent chacun une attitude opposée face à leurs angoisses communes : l’un propose le mouvement, l’autre la conservation.
Julien Breda propose d’épurer le cadre historique « évitant ainsi d’enfermer la mise en scène dans une référence poussiéreuse au passé » : fond de scène neutre, mobiliers et costumes contemporains (complet veston pour l’empereur, longue veste passée au-dessus d’un pantalon et d’un pull pour Luther). Le tout noir. Le seul accessoire « d’époque », un pichet en étain.
Le texte de Rémi Delieutraz nous plonge dans une discussion politique très concrète dans laquelle Jean-Nicolas Gaitte et Maxime Gleizes excellent. Dans ce huis clos, l’engagement et la complicité des acteurs créent une tension ressentie dans l’espace. S’il restitue les bases du conflit, il ne révèle rien du dessein de Luther, père du protestantisme. Si on comprend très vite que Luther refuse que le pape soit au cœur de la religion chrétienne et non la loi divine et les Évangiles, et que Charles Quint craint l’éclatement pour son empire, leurs échanges tournent autour de la demande de Charles Quint à Luther de renier ses thèses devant la diète.
Mais quelle est la quintessence du protestantisme ? Aucun mot (ou presque) à ce sujet. Nous aurions aimé que le texte découvre quelques points du projet religieux de Luther et ne se cantonne pas à aborder des questions politiques. Ainsi, l’empereur et le moine rebelle auraient pu débattre autour du projet de Luther : traduire l’Ancien et le Nouveau Testaments pour que chacun – saint et pécheur à la fois – puisse avoir accès à la Loi des Anciens, ne plus donner les messes en latin, exiger l’apprentissage de l’écriture et de la lecture pour tous les enfants filles et garçons, se référer à la Bible et non aux bulles papales et aux conciles pour toute prise de position (par exemple, rejet de nombreux dogmes de l’Église catholique tel que l’Immaculée Conception), autoriser le mariage des pasteurs, se confesser directement au Créateur et non par l’intermédiaire d’un prêtre, condamner la rémission des péchés par le pape en échange d’un paiement financier (les indulgences), interdire le culte des saints et des images, revenir à une plus grande sobriété dans le culte et ses églises…
Convaincu de la justesse de ses convictions, Luther refusera de renier ses thèses. Condamné par le monarque, il se verra offrir l’hospitalité par le duc-électeur Frédéric de Saxe, dans son château de la Wartburg, où il traduira en allemand l’Ancien et le Nouveau Testament. Il publiera plusieurs ouvrages où il ébauche sa doctrine sans oublier son Petit Catéchisme, un livre où il expose sa théologie de la Réforme dans un langage volontairement accessible à tous. Au fil des années, son influence s’étend dans le nord et l’est de l’Europe. Son plaidoyer pour l’indépendance des gouvernants à l’égard de l’Église lui apporte le soutien de nombreux princes. Jamais son combat contre la papauté et tous ceux qui s’opposent à la Réforme ne faiblira. En 1546, il décède à Eisleben, le combat de sa vie accompli.
L’Araignée présente une remarquable performance d’acteurs à découvrir au Studio Hébertot.
Le regard d’Isabelle
Studio Hébertot
78 bis, boulevard des Batignolles, 75017, Paris
Les lundis et mardis à 19 h, les dimanches à 17 h
Jusqu’au 4 avril 2023
Relâches les 14 février et 28 février 2023







