
Crédit photo : Guillaume Borgnet
« La MPAA est un outil passionnant qui sert autant au développement artistique qu’au développement citoyen. »
Accompagner, encourager et promouvoir les pratiques artistiques amateurs, telles sont les missions de la MPAA (prononcez MP2A !) depuis 10 ans. Une vraie «Maison» « où l’on se sent bien et l’on aime s’y retrouver » comme me l’expliquera sa pétillante et dynamique directrice Sonia Leplat, à sa tête depuis septembre 2017. Une entrevue énergisante en plein cœur de Saint-Germain des Prés avec une amoureuse des mots, de théâtre et du spectacle vivant, les pieds bien sur terre et des projets plein la tête. Rencontre.
Coup de théâtre : Bonjour Sonia, qu’est-ce que la MPAA ? Et quelles sont ses missions ?
Sonia Leplat : La MPAA est un Etablissement Culturel de la Ville de Paris qui a ouvert ses portes il y a 10 ans. Elle est le fruit d’une volonté de la Ville de mettre en place un dispositif d’accompagnement, d’encouragement et de promotion de toutes les pratiques artistiques amateurs en spectacle vivant, c’est-à-dire principalement théâtre, musique et danse. Avec cinq sites parisiens, la MPAA est aujourd’hui un réseau unique de services et de lieux qui leur est dédié.
Quelles sont vos activités ?
S.L. : Elles sont multiples ! D’abord mettre à disposition des salles de travail et de répétition ; accompagner les initiatives autonomes d’amateurs, qu’elles soient individuelles ou collectives (troupes, chorales, ensembles musicaux,…) ; animer des ateliers artistiques de création en théâtre, danse et musique mais également dans d’autres disciplines comme le cirque, la vidéo, la comédie musicale, etc. ; favoriser le dialogue et les échanges entre amateurs et artistes professionnels ; enfin diffuser des spectacles dans les différentes salles de notre réseau.
De quelles ressources disposez-vous ?
S.L. : L’équipe de la MPAA aujourd’hui, c’est 37 permanents dont 3 responsables artistiques, une grosse quinzaine d’intermittents techniques et 30 à 40 artistes professionnels qui interviennent ponctuellement. On dispose de 19 salles de travail et de répétition réparties dans 5 lieux parisiens : la Canopée aux Halles ouvert en 2016, idéalement situé en plein centre de Paris, avec cinq très belles salles plutôt dédiées à la musique mais aussi à la danse et au théâtre ; Saint-Blaise ouvert en 2012, dans le 20eme arrondissement, qui permet la pratique du théâtre, de l’écriture et dispose notamment d’une salle de musique assistée par ordinateur pour y créer du son. Le site de Breguet dans le 11eme arrondissement, le dernier site ouvert en 2017, dispose d’une grande salle de danse, d’un studio et d’une salle de théâtre et d’une galerie d’exposition. Notre site de Broussais dans le 14eme arrondissement qui dispose d’une salle de spectacles, d’un studio de danse, une petite salle de théâtre. C’est le plus vaste de nos cinq sites parisiens qui permet d’accueillir des spectacles déambulatoires, des grandes performances, des manifestations en intérieur et en extérieur. Enfin le site de Saint-Germain qui dispose d’une très belle salle de spectacle avec un plateau de 140 mètres carrés et 317 fauteuils.

Crédit photos : Philippe Delepine
Le mot « Maison » n’a pas été choisi par hasard …
S.L. : Absolument, il est essentiel ! La MPAA est une vraie « Maison » où l’on se sent bien et qui est ouverte : ouverte aux curieux, aux participants, aux habitants des territoires mais aussi à toutes les pratiques artistiques qui visent à mélanger les arts et à déplacer la question de la légitimité de l’amateur, souvent comparé à tort au modèle professionnel. Il ne s’agit pas de mettre de côté le statut professionnel mais cela ne doit pas empêcher toutes celles et tous ceux qui ont envie de s’exprimer artistiquement, d’écrire, de monter sur une scène, de danser, de jouer d’un instrument de pouvoir le faire. Et on a besoin d’espaces publics dédiés au rassemblement et à l’accueil des artistes amateurs. On a aussi développé un programme d’ateliers pendant les vacances scolaires pour les plus jeunes et les moins jeunes, des ateliers spécifiques pour les personnes âgées, handicapées de manière à faire « toucher du doigt » l’art et la création artistique à tout le monde.
Parlons théâtre. Quelles sont les actions spécifiques que vous menez dans cette discipline ?
S.L. : Avant tout, nous proposons des salles de répétition aux troupes de théâtre amateurs. Notre offre est très large puisque nous en possédons dans tous nos sites, elles sont de tailles variées, ouvertes les soirs et les week-ends et accessibles à tous (à partir de 2 €/heure). Les compagnies ont cependant un quota de 20 réservations par an, pour nous permettre d’accueillir un maximum de personnes. Cette « porte d’entrée » nous permet ensuite d’identifier des projets et les besoins des troupes qu’ils soient techniques, artistiques, juridiques, comme les modalités de participation à des festivals, la recherche de lieux de diffusion, etc. On essaye de les aider au mieux, selon le degré de maturité du projet. Dans ce travail d’accompagnement peut se profiler également un travail de fidélisation. Une fois que les compagnies ont atteint le nombre de 20 réservations, on essaye de les accompagner autrement, en les orientant vers d’autres activités comme la danse ou la musique par exemple.
Vous organisez également des festivals, des scènes ouvertes, des masters class…
S.L. : Absolument ! Nous avons d’autres dispositifs plus ponctuels comme des festivals, des tremplins, des appels à projets qui nous permettent de rencontrer de nouvelles compagnies. Par exemple, on a animé « Eclair’cies » du 4 au 7 avril dernier, un festival de formes courtes qui a permis à 17 compagnies amateurs de présenter un texte du répertoire ou une création sur le thème « Catastrophe » devant un jury de cinq personnes. Quatre compagnies ont été primées, rejoueront dans la grande salle de Saint-Germain et se verront décerner un prix du public. Un beau tremplin ! On organise également des masters class dans tous les domaines : mise en scène, écriture, jeu avec le public… Enfin, nous proposons des « scènes ouvertes », à des compagnies dont les spectacles nous semblent particulièrement intéressants, aboutis, audacieux. On les programme soit à Saint Germain sur le grand plateau, soit à Breguet ou à Broussais dans des salles plus petites. Et puis nous organisons des évènements vraiment conviviaux comme notre brocante artistique qui aura lieu le samedi 19 mai à Breguet : une journée durant laquelle artistes, troupes, habitants du 11ème, artisans du spectacle pourront vendre, acheter, troquer costumes, instruments, partitions, éléments de décors, bijoux de scène, accessoires insolites, et autres toilettes à paillettes !

Crédit photos : Nathalie Vu-Dinh
Quel est le retour des compagnies amateurs qui viennent travailler à la MPAA ?
S.L. : Le retour est toujours très positif ! Les compagnies ont conscience de la chance qu’elles ont de bénéficier d’un service public dédié à la pratique artistique amateur. En cela, la MPAA est un outil passionnant qui sert autant au développement artistique qu’au développement de la citoyenneté.
Et celui des professionnels qui y interviennent ?
S.L.: Toujours très constructif également car on accueille des artistes professionnels qui ont tous une envie de création et de transmission avec des amateurs. L’état d’esprit, c’est d’être dans un échange permanent, un rapport de création, de co-construction et surtout pas dans un enseignement de manière pyramidale. On n’est ni dans un cours, ni dans une animation socio-culturelle, on est finalement au carrefour de trois choses : la création artistique, la transmission de savoir et de savoir-faire et le temps libre/loisirs. C’est important de faire cohabiter ces trois volets à la MPAA.
Vous avez été nommée à sa tête en septembre 2017. Quelles sont vos ambitions et vos envies ?
S.L. : Mon envie, c’est de connecter encore davantage la pratique des arts à la dimension amateur qui est finalement la forme la plus répandue car on compte beaucoup plus d’amateurs que de professionnels dans les pratiques artistiques. Cela fait tellement partie de son développement personnel que de danser, faire du théâtre, jouer d’un instrument ! Ça a personnellement accompagné ma vie professionnelle et personnelle. Et mon ambition ? Tout simplement, poursuivre le projet initié par mon prédécesseur et l’équipe en place qui ont ouvert quatre sites en cinq ans ce qui a été un énorme chantier ! Le travail qui m’incombe aujourd’hui, c’est de trouver un rythme de croisière sur les cinq lieux et d’ancrer davantage chaque Maison dans son territoire, dans son arrondissement, dans son quartier pour connecter le quotidien des habitants avec le quotidien des Maisons. Et au-delà, faire rayonner ce projet car c’est par l’addition de ces localités qu’on va pouvoir offrir un panel d’activités très large. L’objectif n’est pas de dupliquer les activités partout mais de décliner le projet global dans les territoires en adéquation avec les outils disponibles dans chaque Maison et en pertinence avec les lieux dans lesquels nous sommes implantés.
Vous fêtez vos 10 ans cette année !
S.L. : Oui, nous fêtons nos 10 ans du 28 septembre au 7 octobre 2018, soit 10 jours de festivités avec de nombreuses animations : une soirée anniversaire sur le site Saint-Germain avec une rétrospective des 10 années écoulées, une revue des projets futurs, la participation d’artistes professionnels ou amateurs avec lesquels on a le plus collaboré, bref une grande fête d’anniversaire ! Nous allons également coorganiser avec le Forum des Halles une journée « portes ouvertes » le samedi 29 septembre 2018 à la Canopée. Au programme : évènements culturels et artistiques sur tous les étages du Forum avec des spots danse, des démonstrations, des combats scéniques, des chorales et orchestres, des improvisations dans l’espace public et plein d’autres surprises !
Avez-vous une fierté ?
S.L. : Une fierté, c’est un peu tôt pour le dire au bout de six mois de mandat ! (Rires). Je suis dans tous les cas fière du projet que la Ville propose et défend et fière de l’équipe avec laquelle je travaille parce qu’elle est entièrement au service de ce projet.
Et un rêve ?
S.L. : Mon rêve, c’est tout simplement de poursuivre et développer ce projet, le faire connaître encore davantage de tous les parisiens et des habitants du Grand Paris. On a ouvert de nombreux de lieux en peu de temps, les « fondations » de la Maison sont bien posées, il s’agit maintenant d’asseoir notre notoriété et de lancer la locomotive ! J’ai envie également d’aller travailler avec les territoires, sur lesquels on est déjà implantés mais au-delà avec les communes du Grand Paris et des grandes villes françaises qui souhaiteraient collaborer avec nous.
Merci Sonia. Pour conclure, quel a été votre parcours ?
S.L : Mon parcours démarre dans les lettres et le théâtre car je suis une amoureuse des mots et du spectacle vivant. Après hypokhâgne/khâgne et une maîtrise de lettres modernes, j’ai occupé plusieurs postes en relations publiques, production, administration du spectacle vivant, direction de lieux et programmation au sein de théâtres à Paris et Avignon et de compagnies. J’ai collaboré également pendant une dizaine d’années avec une metteuse en scène Julie Heynemann avec qui j’ai ouvert La Cuisine, un lieu dédié à la création professionnelle et aux pratiques amateurs. Puis je me suis orientée vers les collectivités territoriales à Rouen et en Seine-Maritime où j’ai travaillé presque 10 ans également. Et je suis de retour à Paris à la tête de la MPAA qui est un projet à mi-chemin entre un projet associatif et territorial puisque c’est un EPPC. Je m’y retrouve parfaitement car je suis quelqu’un de très pragmatique et j’aime que le quotidien ait du sens.
Pour aller plus loin : www.mpaa.fr
Propos recueillis par Elisabeth Donetti
Merci au bureau de presse Sabine Arman