Dès la première réplique, j’ai compris. J’ai compris que j’allais vivre un moment de théâtre unique qui resterait longtemps gravé dans ma mémoire. Et pas seulement dans la mienne, j’en suis certaine, mais dans celle des 150 spectateurs venus découvrir « Des fleurs pour Algernon » mercredi dernier au théâtre du Petit Saint-Martin. Nous avons, je crois, tous été suspendus aux paroles d’un comédien exceptionnel qui n’a pourtant pas bougé de sa chaise pendant 1 heure et 20 minutes.
Ce comédien, c’est Grégory Gadebois, ancien pensionnaire de la Comédie-Française, césar du meilleur espoir masculin en 2012 (voir le joli portrait que Libération lui a consacré en janvier 2013) qui offre une prestation époustouflante de la première à la dernière seconde ! Dans « Des fleurs pour Algernon » (qui fut d’abord un livre, puis un film), il campe le personnage de Charlie, un jeune ouvrier simple d’esprit qui est approché par deux professeurs de médecine pour subir une opération du cerveau, susceptible de démultiplier ses facultés mentales. L’expérience a réussi sur une souris nommée Algernon, alors pourquoi ne pas la tenter sur un homme ? Charlie, secrètement amoureux de l’un des professeurs Miss Kinian, accepte de devenir cobaye et l’expérience fonctionne. Progressivement, il se métamorphose en un être aux compétences intellectuelles exceptionnelles brillant analyste, doué d’une mémoire phénoménale, d’une pétillance et d’une subtilité incomparable. En sera-t-il plus heureux pour autant ? Mais l’expérience sera de courte durée. Tandis que la souris Algernon meurt, Charlie connaît un déclin aussi vertigineux que son ascension.
Au-delà du beau questionnement de la pièce (qu’est-ce que l’intelligence ? Celle du cœur n’est-elle pas aussi ou plus importante que celle des connaissances ?), j’ai été subjuguée par la performance de Grégory Gadebois et sa capacité à interpréter successivement cet homme au QI limité, puis supérieurement intelligent puis redevant l’homme simple qu’il était, et profondément conscient de la perte de ses capacités. L’exercice aurait pu s’avérer caricatural, il est d’une justesse, d’une subtilité et d’une finesse formidables. Grégory Gadebois incarne Charlie avec une infinie douceur et une profonde humanité, dans les mots, les gestes, le regard, la posture. C’est terriblement émouvant, on en ressort touché. Courez applaudir ce spectacle qui est un triomphe depuis sa création en 2012. Logique et tellement mérité, c’est une leçon de théâtre !
Le point de vue d’Elisabeth
Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulanger, 75010 Paris
Du mardi au vendredi à 20h30
Le samedi à 16h et 20h30

Photo Pascal Victor. Artcomart