LES SUPPLIQUES – THÉÂTRE DE LA TEMPÊTE (vu au THÉÂTRE GÉRARD-PHILIPE. CDN DE SAINT-DENIS)

♥♥♥♥ Les suppliques désignent les centaines de lettres envoyées par des familles juives aux autorités de Vichy, le maréchal Pétain en tête, entre 1941 et 1944, pour échapper aux persécutions ou obtenir des informations sur des proches disparus. Certains prennent la plume pour éviter telle ou telle interdiction. D’autres espèrent que leur proche arrêté ou déporté pourra échapper à un sort qu’ils ne connaissent pas précisément mais qu’ils rattachent à un péril extrêmement angoissant. Ce faisant, beaucoup signent leur arrêt de mort en livrant leur identité et leur adresse.

Le Birgit Ensemble – à partir des lettres de Édith Schleifer, Gaston Lévy, Renée Haguenauer, Alice Grunebaum, Léon Kacenelenbogen et Charlotte Lewin – met en lumière autant l’imaginaire des victimes (le sentiment d’injustice de leurs auteurs qu’ils espèrent voir réparé, eux qui continuent d’avoir foi en l’État français) que la logique, hypocrite et délétère, du gouvernement de Vichy dont les réponses de l’administration sont systématiquement laconiques et sans appel : le Commissariat général aux questions juives dit devoir s’en remettre aux forces occupantes.

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ROBERTO ZUCCO – THÉÂTRE GÉRARD PHILIPE (SAINT-DENIS)

roberto-zuccoD’abord un lieu: le théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis et son plateau immense, profond, comme un formidable terrain de jeu qui autorise toutes les libertés, toutes les audaces. S’y joue actuellement « Roberto Zucco », Zucco avec un Z mais l’erreur d’orthographe ne trompera personne. La pièce, écrite par Bernard-Marie Koltès en 1988, s’inspire du serial killer italien, Roberto Succo, né près de Venise en 1962, qui tua son père et sa mère à l’âge de 19 ans et commis cinq assassinats lors d’une cavale tragique en France et en Suisse avant de se suicider en 1988 dans sa cellule de prison à l’âge de 26 ans. B-M. Koltès, fasciné par ce tueur monstrueux à la gueule d’ange qu’il qualifiait de « tueur exemplaire » (la pièce fit scandale à sa parution) choisit, par l’écriture, de prendre ses distances par rapport au fait divers pour proposer une thématique beaucoup plus allégorique et littéraire d’un homme qui déraille et que rien ne pourra jamais remettre sur les rails, comme le symptôme d’une société malade.

La pièce, créée à la comédie de Valence et mise en scène par Richard Brunel, se concentre autant sur le personnage de Zucco que sur ses rapports aux autres : sa mère, « la Gamine » qui l’aime mais le dénoncera, « la femme élégante » dont il tuera le fils. Richard Brunel propose une mise en scène chorale (14 comédiens sur scène) dense, haletante, parfois spectaculaire et ponctuée d’épisodes esthétiques, très visuels : la scène d’amour de Zucco et « la Gamine » se relevant nus de dessous la table familiale, le duo avec la « femme élégante », la mort de son fils symbolisée par une pluie de sacs en plastique, les scènes de combat. La langue de Koltès est poétique, dramatique, une langue de théâtre avec un grand T, que certains comédiens interprètent à merveille, on citera en particulier Noémie Develay-Ressiguier dans le rôle de « la Gamine », Luce Mouchel dans celui de « la femme élégante » et Pio Marmai qui compose un Zucco extrêmement convaincant dans la composition d’un personnage complexe, prisonnier de sa folie. Une pièce engagée, forte, avec de véritables partis-pris artistiques qui fait l’évènement de ce début d’année.

Le point de vue d’Elisabeth

ROBERTO ZUCCO

Théâtre Gérard Philipe, 59, boulevard Jules-Guesde, 93 207 Saint-Denis Cedex

Jusqu’au 20 février 2016

Du lundi au samedi à 20h – dimanche à 15h30 – Relâche le mardi

Crédit photos : Jean-Louis Fernandez

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