Singulier et attachant spectacle que « Home » actuellement au théâtre de l’Oeuvre qui ne devrait laisser aucun spectateur indifférent. Disons-le tout net : on adore ou on s’ennuie devant ce nouvel opus de Gérard Desarthe (après « Ashes » l’an dernier au même théâtre de l’Oeuvre). Personnellement, j’ai trouvé la pièce intéressante et bien défendue par un casting solide (Gérard Desarthe, Carole Bouquet, Pierre Palmade, Valérie Karsenti et Vincent Deniard). « Home » écrit en 1970 par David Storey, nous plonge au cœur d’une Angleterre no man’s land dans l’arrière cour sordide et misérable d’une maison de santé psychiatrique. Le mot ne sera pour autant jamais cité. Deux pensionnaires, Harry (Gérard Desarthe) et Jack (Pierre Palmade), plutôt bien mis, chapeautés et canne en main, viennent y prendre le soleil un moment et s’y attardent pour échanger banalités, parler pluie et beau temps et relater quelques anecdotes sur leur famille. Alors qu’ils quittent leur chaise après un long dialogue sans intérêt, ils sont bientôt remplacés par deux femmes, Kathleen (Carole Bouquet) et Marjorie (Valérie Karsenti), sans âge, déglinguées, foutrac, puis par Alfred (Vincent Deniard) un autre pensionnaire des lieux, un colosse au costume de lutteur, paumé, lunaire, l’œil baladeur. Point de réelle action ici, l’histoire de cette petite « humanité » s’articule autour de petits évènements qui rythment la journée pour combler le vide de leur existence : chercher des chaises pour prendre le soleil, se presser à la cantine, regarder les autres passer, parler de tout et de rien.
A travers les errances et les désillusions de ses cinq personnages démunis, paumés, inadaptés, David Storey questionne nos propres désillusions face à une sociéte en perte de repères et de sens. On est assez proche d’un univers à la Ionesco, absurde et très profond en même temps. La mise en scène de Gérard Desarthe est juste et reflète bien le mal-être et malaise des personnages en proie à leurs doutes et angoisses. De nombreuses critiques ont salué la performance de Pierre Palmade mais ma palme personnelle irait plutôt à Gérard Desarthe, formidable de justesse psychique et gestuelle dans son rôle d’inadapté qui essaye de donner le change. Le binôme féminin fonctionne peut-être un peu moins bien, tant les personnages ont l’air sûr d’elles pour être complètement crédibles dans les personnages paumés qu’elles sont censées interpréter. Une pièce toute en nuances qui peut désorienter mais ne manque pas d’intérêt.
Le point de vue d’Elisabeth
Théâtre de l’Oeuvre, 55 rue de Clichy, 75009 Paris
Du mardi au samedi à 21h
Matinées le samedi à 16h et le dimanche à 15h
Jusqu’au 20 décembre 2015
Durée : 1h30
Crédit photo : Dunnara Meas