
♥♥♥♥ Premier ou deuxième (selon l’ordre que l’on a choisi) volet du cycle consacré à Alfred de Musset par le metteur en scène et scénographe Éric Vigner, cette comédie alerte met en scène un jeune dandy libertin, Valentin (Nathan Moreira, remarquable d’aisance !), bien décidé à ne jamais subir le sort des hommes mariés, tous trompés par leur femme selon lui. Mais son oncle, le riche négociant Van Buck (Paolo Malassis, très bien), désireux de ne plus éponger ses dettes, lui a déjà trouvé un excellent parti, Cécile, et a arrangé le mariage avec sa mère, la baronne de Mantes.
Avec toute la fougue et l’inconscience de sa jeunesse, Valentin lance alors un défi à son oncle : s’il réussit à séduire Cécile incognito, il donnera raison à ses théories sur le mariage, et il restera « garçon ». Mais la jeune femme (une « petite masque », selon sa mère) s’avère beaucoup plus rusée qu’il ne le pensait, et après moult péripéties, voilà Valentin pris à son propre piège et confronté à la… « surprise de l’amour ».
Pour ce deuxième proverbe, Éric Vigner a fait appel à de jeunes acteurs, issus de la promotion 11 de l’école du Théâtre national de Bretagne, qui apportent fraîcheur et vivacité à cette comédie romantique. Le décor utilise les mêmes panneaux coulissants que dans la pièce Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, mais cette fois, ceux-ci figurent les recoins du château ou les bosquets dans lesquels les tiers se dissimulent pour mieux traquer la vérité des relations qui se jouent entre Cécile et son « prétendant ». Les deux protagonistes masculins, vêtus d’élégants costumes stylisés, exécutent des pas de danse (aux allures de menuet) entre deux tirades, conférant à leur jeu décalage et effet comique bienvenus. Malgré la différence d’âge censée les séparer, leur complicité et leur agilité de corps et d’esprit nous enchantent, comme si la jeunesse de Valentin contribuait à régénérer la santé de son oncle.
De son côté, Cécile (Esther Armengol) est loin d’être la créature éthérée que l’on pourrait imaginer. Sous ses airs de garçon manqué, elle se révèle être une jeune femme au caractère bien trempé, décidée à vaincre les préjugés de Valentin vis-à-vis de l’amour. Quant à sa baronne de mère, toujours flanquée de son fidèle abbé (Stéphane Delile), c’est un personnage fantasque, qui rêve d’aventures, interprété par Esther Lefranc, dont les mimiques sont franchement drôles. Lucille Oscar Camus n’est pas en reste dans le rôle du maître de danse de Cécile, qui ponctue les scènes de sa fantaisie.
La mise en scène, volontairement épurée, décale le propos pour mettre en avant ces six personnages qui se jouent malicieusement des codes de la comédie romantique. Peur d’aimer par peur d’être trahi, peur de l’engagement… les atermoiements de Valentin reflètent ceux des amoureux de tout âge et de tout temps. La réussite d’Éric Vigner tient dans le fait de les inscrire résolument dans les préoccupations de notre époque tout en restituant parfaitement la poésie du texte de Musset. Un bijou théâtral qui ne peut que régaler les jeunes d’aujourd’hui comme les moins jeunes.
Le billet de Véronique
IL NE FAUT JURER DE RIEN
Théâtre 14
20, avenue Marc-Sangnier
75014 Paris
Jusqu’au 20 décembre 2025
Du mardi au vendredi à 19 h
Samedi à 16 h
Durée : 1 h 30
Crédit photo : Gwendal Le Flem



Magnifique critique de Véronique, comme d’habitude !!
Je cours au Théâtre 14 pour voir ce « Il ne faut jurer de rien » enchanteur…
Fabienne
J’aimeJ’aime