
♥♥♥♥ Adapter au théâtre le livre d’Antoine Leiris, écrit après l’attentat du Bataclan, en 2015, dans lequel il a perdu sa compagne, Hélène, n’est pas une chose aisée. D’autant qu’une adaptation a déjà été créée, en 2017, avec Raphaël Personnaz, qui a connu un grand succès. Mais c’est sans doute la force de ce livre de continuer son existence propre – indépendamment de celle de son auteur –, pour raconter avec des mots aussi sensibles que puissants, comment un homme, journaliste et maintenant écrivain, a refusé de céder à la haine pour faire de sa tragédie personnelle une histoire de deuil comme les autres, au-delà du contexte terroriste. Comme il le dit fort justement, une perte, qu’elle soit liée à un attentat, à un accident ou quoi que ce soit d’autre, est une fatalité qui peut nous toucher à n’importe quel moment de notre existence, et cela reste une douleur incommensurable.
C’est donc un spectacle qui parle du deuil, mais aussi d’amour paternel, d’espoir et d’amour pour la vie tout simplement. Comment un homme, après la disparition brutale de celle qu’il aimait (et qu’il continue à aimer), décide de croire malgré tout en la beauté du monde et essaie de se reconstruire, pas à pas, avec son fils Melvil, à travers des rites du quotidien (le repas, le bain, les jeux…), mais aussi des moments symboliques, comme le tri des affaires d’Hélène. Alternant entre tristesse et joie (parfois même ironie !) dans un jeu d’équilibre subtil, mais sans jamais tomber dans le pathos, Mickaël Winum nous fait partager ces moments de tendresse et d’intimité qui se tissent entre le père et le fils pour lutter contre l’absence de l’épouse et de la mère. Il est seul en scène, mais on croit sentir la présence de Melvin, omniprésent. Comment faire comprendre à son enfant, qui plus est un bébé de 18 mois, que sa mère ne reviendra pas ? Comment réagir quand l’empathie des autres déborde autour de vous ? Et comment ne pas hurler de désespoir quand on se retrouve seul ? C’est ce long chemin, semé de doutes, que le livre raconte.
La mise en scène d’Olivier Desbordes est sobre, pleine de tact. Seuls quelques arrêts sur image, nimbés de lumière, évoquent le combat intérieur que livre Antoine Leiris contre la douleur. Un spectacle profondément humaniste, porté un comédien à la grâce lumineuse, qui nous fait réfléchir sur la fragilité de la vie humaine, et la nécessité de continuer à avancer, malgré la violence du monde.
Le billet de Véronique
THÉÂTRE ACTUEL LA BRUYÈRE
5, rue La Bruyère – 75009 Paris
Jusqu’au 30 décembre 2025
Crédits photo : Vahid Amanpour


