
♥♥♥ C’est à une relecture décapante de la célèbre (et dernière) pièce écrite et jouée par Molière que Tigran Mekhitarian, jeune metteur en scène trentenaire, nous convie dans ce lieu récemment ouvert qu’est le Théâtre de la Concorde, dirigé par Elsa Boublil, et animé de la belle intention de mettre la culture à la portée de tous.
Pour Mekhitarian, familier du fondateur de l’Illustre-Théâtre : « De toutes ses œuvres, c’est pour moi Le Malade imaginaire la pièce la plus riche en exploration des tréfonds de l’âme humaine. Et s’il y a bien une pièce de Molière à considérer comme une tragédie, c’est celle-ci. Et plus la tragédie est forte, plus les mots de Molière font rire. »
Sa relecture commence donc en premier lieu par le personnage d’Argan, interprété par lui-même – ce qui surprend, compte tenu de son âge – présenté sous l’aspect d’un tyran domestique hypocondriaque, shooté aux antidépresseurs et autres médicaments. Cet Argan vu par Mekhitarian est non seulement un grand angoissé mais également un homme violent, comme en témoigne la scène où il force la sœur d’Angélique à dénoncer la relation de celle-ci avec Cléante. Une violence vide de sens qui traduit sa désespérance et sa solitude profondes (symboles de notre époque ?)
Relecture également avec la mise en exergue des personnages féminins, bien décidés à s’affirmer envers et contre tout, et à prendre en main leur destin : Toinette (étonnante Isabelle Gardien), la servante qui n’hésite pas à dire ses quatre vérités à son maître, quitte à le faire sortir de ses gonds, Angélique (excellente L’Éclatante Marine) folle amoureuse de Cléante (Sébastien Gorski, l’amant musicien) et qui n’a pas l’intention d’accepter que son père la marie contre son gré au fils d’un médecin, aussi stupide qu’arrogant, et enfin, Berline (Anne Coutureau), la perfide femme d’Argan, qui ne songe qu’à soutirer de l’argent à son mari.
Malgré une mise en scène un peu inégale – avec ici et là, des effets inutiles – et quelques grossièretés (verbales et gestuelles) dont on aurait pu se passer, Tigran Mekhitarian réussit à retranscrire l’esprit de Molière dans notre époque et la formidable plasticité de son propos. Les situations et les personnages sont bien ancrés dans le réel, les joutes verbales insolentes et drôles. Contemporanéité oblige, quelques intermèdes chantés (chanson pop et rap) viennent ponctuer l’ensemble. L’énergie, parfois un peu brouillonne, dont font preuve les acteurs et leur parler vif et nerveux qui contraste avec la langue du XVIIe siècle, déclenchent des salves de rires dans la salle et emportent haut la main l’adhésion du public, composée en majorité de jeunes.
Rien que pour cela, on ne peut que saluer cette version revigorante du Malade, bien plus efficace pour le moral que n’importe quel traitement médicamenteux !
Le billet de Véronique
LE MALADE IMAGINAIRE
Théâtre de la Concorde
1, avenue Gabriel
75008 Paris
Jusqu’au 22 mai
Du mardi au samedi
Durée : 1 h 45 – À partir de 10 ans
Crédits photo : Patrick Fouque

