♥♥♥ Viv Albertine, Ari Up, Palmolive et Tessa Pollit : quatre filles aux surnoms improbables, quatre écorchées vives avec la rage au cœur, mais aussi la fureur de vivre, à Londres, au tournant des années 1975. Alors que l’Angleterre traverse une crise économique sans précédent et que Margaret Thatcher dirige le Parti conservateur d’une poigne de fer, certains jeunes se sentent dépossédés de leur avenir et crient leur rage à travers une musique au rythme frénétique. C’est la naissance du mouvement punk qui sera aussi fulgurant qu’éphémère.

Ces quatre filles revendiquent haut et fort leur « punkitude ». Elles n’acceptent pas la place qui leur est assignée par la société : se contenter d’être une mère au foyer et vivre sagement. C’est Viv Albertine (Camille Timmerman), très déterminée sous ses faux airs de Marilyn de banlieue, qui lance l’idée : elles vont créer un groupe de musique de filles, les Slits, qui sera le concurrent direct des Clash et des Sex Pistols, et mener leur vie comme elles l’entendent.

Avec une belle dose d’énergie et d’humour, Justine Heynemann et Rachel Arditi réussissent à redonner vie sous leur plume au premier groupe de punk féminin, les Slits, actif de 1976-1979. Et avec quelle flamboyance ! D’entrée de jeu, nous sommes conquis par ces pionnières qui se lancent à bras-le-corps dans la musique, malgré leur inexpérience (deux d’entre elles n’ont jamais joué d’un instrument). Leur conviction, leur culot et leur fraîcheur leur servent de moteur. Il faut voir avec quelle obstination, Ari Up, la benjamine du groupe (excellente Charlotte Avias en rebelle survoltée), issue d’un milieu plutôt huppé, se bat avec sa mère pour réaliser son rêve : faire de la musique comme son idole, Patti Smith, icône absolue de la scène punk rock. Les passages où elle se produit avec ses comparses sont totalement déjantés.

Tous les interprètes (Rachel Arditi, co-autrice, James Borniche, Salomé Dienis Meulien, Kim Verschueren) se donnent à fond, en live, faisant oublier le niveau musical parfois inégal. En revanche, ils maîtrisent très bien le chant, et font preuve d’une énergie communicative. Nous sommes emportés dans un tourbillon de morceaux connus ou moins connus, qui se succèdent à un rythme effréné. Des instants plus poétiques nous sont offerts à travers des arrangements plus soft, laissant la place à l’intimité et à la sensibilité des personnages. La scénographie, d’une sombre féérie, nous transporte dans un monde mi-onirique, mi-réaliste. Les auteures n’occultent pas des facettes plus sombres comme la drogue ou le viol, mais mettent en avant la capacité de résilience de ces héroïnes du quotidien.

C’est une belle incitation à vivre ses rêves pour la jeune génération et un spectacle revigorant pour les autres, qui donne envie de crier avec les Slits : Punks not dead !

Le billet de Véronique

PUNK.E.S
5 nominations aux Trophées de la Comédie Musicale 2024

La Scala Paris
13, boulevard de Strasbourg – Paris, 10^e
Jusqu’au 30 mars 2025

Crédits photo : Arnaud Dufau