HÉLÈNE APRÈS LA CHUTE – THÉÂTRE DE L’ÉPÉE DE BOIS (vu à la Criée, à Marseille)

♥♥♥♥ Simon Abkahrian réinterprète brillamment le mythe d’Hélène de Troie, en imaginant les retrouvailles de la reine et de son mari Ménélas, roi de Sparte – qu’elle a quitté pour Pâris, déclenchant la guerre entre Grecs et Troyens –, après la chute de la ville de Troie. La pièce s’ouvre sur l’image splendide d’un tissu qui ondule et se déploie sur la scène telle une vague géante. En fond de scène, la silhouette de Ménélas au milieu des flots, épée à la main. La guerre de Troie s’est terminée dans le bruit et la fureur, et par la victoire écrasante des Grecs.

Après la mort de son amant, tué par Ménélas lui-même, Hélène a été faite prisonnière et son destin repose maintenant entre les mains du clan de son mari. Ménélas l’a convoquée pour un entretien dans la chambre même de l’adultère. Mais elle ne se présente pas en vaincue, et c’est avec une certaine morgue qu’elle affronte la rancœur de son mari trahi. Ménélas veut tout d’abord la pousser à confesser sa trahison. Mais elle-même est remplie de questionnements.

Les éclairages, qui révèlent progressivement les protagonistes de ce douloureux règlement de comptes, créent une atmosphère crépusculaire, en harmonie avec la chambre aux murs mordorés. Par la porte coulissante, une silhouette se profile, celle d’Hélène, en contrejour dans le rectangle lumineux du fond de scène. Lorsqu’elle apparaît en pleine lumière, elle est vêtue d’une tenue très sexy (robe couleur d’or moiré, entrouverte sur une tenue provocante, chaussures à hauts talons).

L’Hélène de Simon Abkarian (magnétique Aurore Frémont) se joue des conventions et s’avère être une femme moderne (au sens d’aujourd’hui), qui veut être libre de choisir son destin dans un monde dominé par des brutes avides de pouvoir et de sang. « Je veux tout », revendique-t-elle. Le droit de ne pas être qu’un trophée pour son mari, de suivre ses désirs charnels sans être considérée comme une putain, de choisir sa manière de vivre et son camp. Face à elle, Ménélas (Brontis Jodorowsky) est poussé dans ses retranchements et finira par montrer son vrai visage : celui d’un homme sensible, prêt à reconnaître ses erreurs et ses faiblesses pour aller vers celle qu’il aime depuis toujours.

Les deux acteurs jouent avec justesse une partition subtile (celle de l’amour), alternant tour à tour violence et retenue, sans jamais que leur jeu ne tombe dans l’emphase. Leur prose, à la fois flamboyante et sensuelle, sert à merveille leurs personnages. De même que la musique, poignante sans être mélodramatique, jouée (au piano) et chantée par Macha Gharibian, qui souligne les moments de silence et de repli intérieur des personnages. Seul petit bémol : les circonvolutions de l’unique pièce du décor, un imposant canapé, manipulé par deux comparses en noir, qui n’apportent rien à l’action dramatique.

Hélène et Ménélas vus par Abkarian, c’est une histoire de rédemption où l’amour finit par l’emporter sur la guerre et la folie des hommes, où brille une lueur d’espoir dans un monde dévasté par la violence. Une vision profondément humaine et romantique, qui nous emporte par la beauté de sa mise en scène, de ses dialogues et de ses décors.

Le billet de Véronique

HÉLÈNE APRÈS LA CHUTE
Théâtre de l’Épée de Bois

La Cartoucherie de Vincennes
Jusqu’au 3 novembre 2024

Festival Une Odyssée en Asie Mineure (dyptique)
Première partie : Ménélas Rebétiko Rapsodie
Du mercredi au vendredi à 19h, samedi à 18 h, dimanche à 14 h 30
Deuxième partie :  Hélène après la chute
Du mercredi au vendredi à 21 h, samedi à 20 h, dimanche à 16 h 30
Les samedi et dimanche, musique live à l’issue de la dernière représentation

Crédits photo : Antoine Agoudjian

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