♥♥♥ Fin 1898. Quand Maxime Gorki, débutant en littérature, apprend que Anton Tchekhov, médecin et écrivain célèbre à qui il voue une admiration sans borne, a dit du bien de l’une de ses nouvelles, il lui écrit une lettre de reconnaissance enflammée. Depuis l’âge de dix ans, il a exercé tous les métiers pour réussir à vivre, il vient de publier son premier recueil de nouvelles. Ainsi débute leur correspondance. Très vite, leur échange épistolaire devient dialogue fraternel autour de multiples sujets : la littérature, le métier d’auteur, le Théâtre d’Art de Stanislavski et sa troupe novatrice pour laquelle tous deux écriront des chefs-d’œuvre – Oncle Vania (1899), Les Trois Sœurs (1901) et La Cerisaie (1904) pour Tchekhov ; Les Petits Bourgeois, Les Bas-Fonds pour Gorki – mais aussi le monde troublé dans lequel ils vivent à la veille de la révolution russe de 1905.

Tout semble séparer ces deux hommes : modes de vie, caractères, styles, distances, et surtout positions respectives dans le monde des Lettres. Dans les débuts de cette correspondance, l’élève Gorki s’adresse avec dévotion au maître Tchekhov sans vraiment attendre de réponse. A sa plus grande surprise, Tchekhov lui répond, toujours attentif aux jeunes auteurs. Rapidement, avec l’intelligence du cœur, ils s’apprécient et nouent une réelle amitié.

Leur correspondance traduite par Jean Pérus a été adaptée par Évelyne Loew pour la scène en 1995. Créé en Belgique en 2002, Gorki Tchekhov 1900 ou Le soir je mange du fromage (phrase extraite d’une des premières lettres de Tchekhov) sera repris au Le Petit Louvre d’Avignon cet été.

La mise en scène d’Alfredo Cañavate efface habilement la distance épistolaire, les deux acteurs se répondent l’un et l’autre sans jamais se faire face. La relation entre les deux écrivains se révèle plus chaleureuse, plus complice. « Leurs échanges […] se déroulent à la charnière de deux siècles et reflètent cette transition. […] Ils écrivent à la veille d’une révolution – celle de 1905 qui sera avortée et sauvagement réprimée – et on sent à l’œuvre la fin d’un monde, celui de Tchekhov, et le début d’un autre, celui de Gorki. Ils ont par exemple un souci commun pour l’enseignement. »

« Ils écrivent en tant que personnes, avec familiarité, sincérité, sans effets de style. On découvre deux êtres humains dont la pensée et la création s’inscrivent dans le quotidien. Cet échange épistolaire […] possède de nombreux éléments de leur vie qui ne sont pas connus. Gorki raconte par exemple qu’il a voulu se suicider ou que, dans un appartement, il a vu un jeune type qui s’était fait exploser la cervelle. Connaissant cela, on comprend mieux son regard sur la vie, la matière première qui lui a servi à écrire ses pièces. » confie Patrick Donnay.

L’interprétation de Jean-Pierre Baudson (Anton Tchekhov) et de Patrick Donnay (Maxime Gorki) est sobre, juste, brillante. Le texte adapté par Évelyne Loew nous rend plus proches de ces deux amis rendus si célèbres par leurs œuvres, si peu connus dans leur quotidien.

Gorki Tchekhov 1900 ou Le soir je mange du fromage, voilà un spectacle teinté d’humour et de philosophie où l’on découvre les travers de la vie quotidienne dans les dessous de la création théâtrale.

Le regard d’Isabelle

GORKI – TCHEKHOV 1900 ou LE SOIR JE MANGE DU FROMAGE

Théâtre Le Petit Louvre

23 rue Saint-Agricol – 84000 Avignon

Du 29 juin au 21 juillet 2024 à 15h35

Relâche les Lundis 1^er, 8 et 15 Juillet 2024

Spectacle tout public

Durée : 1h20

Crédit photo DR