LE CONSENTEMENT – THÉÂTRE DU ROND-POINT

♥♥♥♥ Après le livre qui a déclenché une déflagration médiatique à sa sortie en 2020, Sébastien Davis adapte au théâtre l’histoire de Vanessa Springora et à travers elle, porte le propos de toutes les victimes « consentantes » – souvent mineures – de prédateurs sexuels. Qui mieux que Ludivine Sagnier, allure juvénile et visage pur, pouvait incarner la très jeune fille (seulement 14 ans), subjuguée par l’écrivain célèbre et sulfureux, de près de quarante ans son aîné.

Elle se glisse tout naturellement dans la peau de l’adolescente torturée qui prend peu à peu conscience de l’anormalité de cet amour, et enfin, dans celle de la femme et éditrice qui décide, pour se libérer définitivement de l’emprise psychologique, sexuelle et intellectuelle qu’elle a subi, de s’emparer de l’arme de celui qui l’a détruite, l’écriture, pour la retourner contre lui.

La comédienne semble habitée par son personnage et restitue magnifiquement le texte incisif de l’auteure. Faisant face au public, lucide et déterminée, forte et fragile à la fois, ne surjouant jamais l’émotion mais la vivant de l’intérieur, elle décrit son cheminement personnel pour se reconstruire. Dans un jeu de théâtre d’ombres, elle se glisse parfois derrière un papier-calque blanc tendu dans le fond de la scène, pour s’y dénuder au propre comme au figuré, révélant les effets dévastateurs de cette relation sur la construction de sa psyché. Elle nous dévoile tout ce que V., la narratrice, trop jeune à l’époque des faits, a ressenti sans pouvoir le dire : la sensation d’être meurtrie tout au fond de sa chair, d’être dépossédée de son corps mais aussi de son identité, en un mot de ne plus exister (les mêmes mots que ceux des victimes d’un viol).

Accompagnée par la batterie de Pierre Belleville, qui souligne – parfois un peu trop – certains passages du texte et met le récit sous tension, Ludivine Sagnier nous fait toucher du doigt toute l’ambiguïté de cette relation faite d’attirance, de désir, mais aussi de sidération et de dégoût. Grâce à elle, on ressent le désarroi profond de cette très jeune fille, en manque de figure paternelle, dont l’entourage (mère, école, médecin) était trop laxiste, voire indifférent, et n’a pas su – ou voulu – la protéger.

C’est une remarquable performance d’actrice et un témoignage indispensable pour dénoncer l’indicible : le consentement d’une société qui ferme les yeux face au comportement déviant de ceux qui jouissent d’une aura liée à leur renommée ou à leur position privilégiée. Un constat glaçant, toujours d’actualité, mais qui montre le chemin à toutes les victimes de violences sexuelles. Et un bel exemple de courage et de résilience.

Le billet de Véronique

LE CONSENTEMENT
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin-Roosevelt
75008 Paris

Jusqu’au 6 avril 2024
Du mardi au vendredi à 19 h 30
Samedi à 18 h 30 et dimanche à 15 h 30

Crédits photo : Christophe Raynaud de Lage

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