
♥♥♥ Que s’est-il passé cette nuit-là dans cet hôtel de Leeds, où se trouvaient au même moment Stella, styliste, la femme de James, et Bill, créateur de mode à la mode, par ailleurs compagnon de Harry ? Qui dit la vérité dans cette histoire de présumé adultère dans un milieu très « hype » ? Stella qui a avoué à son mari l’avoir trompé une nuit avec Bill ? Celui-ci, qui prétend la même chose, puis revient sur sa version pour affirmer qu’il a juste embrassé Stella, puis, finalement, qu’il n’y a eu qu’un bavardage entre eux ?
Harry, qui présume que Stella a inventé toute cette histoire et qu’il ne s’est rien passé entre elle et Bill ? Quelle est la part de fantasme que chacun des personnages projette sur l’autre ? Et la part de désir sous-jacent et de volonté (inconsciente ou non) de tromper l’autre ?
À partir de cette présumée histoire d’adultère, Harold Pinter nous entraîne dans un troublant jeu de pistes où chacun peut trouver sa propre vérité. La vacuité des dialogues souligne l’opacité de la nature humaine. Seul, James, le personnage le plus terre à terre, semble réellement décidé à avoir le fin mot de l’histoire. Par des détails aussi anodins que le téléphone sans fil, Ludovic Lagarde transpose la pièce – écrite il y a plus de soixante ans ! – à notre époque, rendant son propos intemporel. Les jeux de lumière créent une ambiance sophistiquée, séparant l’espace en deux salons où évolue chacun des couples. La présence de masques d’animaux vient nous rappeler opportunément que dans chaque être existent des zones d’ombre que nul ne saurait percer.
Curieusement, le personnage de la femme, sujet central de la pièce, est celui qui a été le plus occulté par Pinter. De même, les relations du couple (récent) formé par Stella et James paraissent un peu superficielles. A contrario, les interactions entre les trois personnages masculins sont plus riches et plus complexes. Jalousie, envie, rivalité, désir, rapports de force… toute la gamme des passions humaines les traverse. Le plaisir de cette pièce réside essentiellement dans le texte, étincelant d’humour noir, et le jeu tout en ambiguïté des trois comédiens (Mathieu Amalric, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux), magnifiquement dirigés par Lagarde. Dans le rôle de Stella, Valérie Dashwood apporte sa présence énigmatique.
Subtile et cruelle variation autour du mensonge, La Collection ne manquera pas de vous fasciner.
Le billet de Véronique
LA COLLECTION
THÉÂTRE DE L’ATELIER
1, place Charles-Dullin
75018 Paris
Jusqu’au 25 juin 2023
Du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 17 heures
Crédits photo : Gwendal Le Flem


