C’est l’affiche dans le métro qui m’a donné envie d’y aller …et le simple mot rhinocéros qui résonne toujours en moi comme une madeleine de Proust théâtrale. Premières émotions d’une toute jeune spectatrice lors d’une sortie scolaire au théâtre de Neuilly-sur-Seine il y a bien longtemps…Trois décennies plus tard, plaisir et émotion de redécouvrir la pièce au Théâtre de la Ville mardi dernier.
La pièce raconte l’irruption inattendue et brutale de rhinocéros dans une petite ville française imaginaire. Face à l’envahissement des animaux, les hommes et les femmes éprouvent d’abord incompréhension et peur, avant de s’abrutir, se soumettre et se transformer progressivement en rhinocéros un à un. Tous sauf un. Béranger. Lui, l’homme de la résistance, du non embrigadement, le seul encore capable d’agir et de penser « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas ! ».Dans Rhinocéros, Eugène Ionesco dénonce la montée des totalitarismes en Europe à l’aube de la seconde guerre mondiale, lui le franco-roumain qui a connu l’ascension du nazisme en Roumanie puis l’arrivée au pouvoir des communistes. Texte culte du théâtre de l’absurde, la pièce a connu mille mises en scène et celle d’Emmanuel Demarcy-Mota fera date à mon avis ! Pourquoi ? Parce qu’elle illustre à merveille toutes les facettes de l’œuvre de Ionesco : l’hystérie collective, la résignation face à l’oppresseur, l’aliénation des hommes, l’inexorabilité des destins, …. Baignant dans un climat à mi chemin entre réel et fantastique, le spectacle tire sa force d’un mélange de grandiose et d’intimiste. Les séquences collectives sont d’une rare beauté et magnifiquement chorégraphiées – l’acte 1, tel un ballet de Pina Bausch, est d’une beauté à couper le souffle – Il faut dire qu’E.Demarcy-Mota dispose de moyens assez considérables pour donner corps à ses idées à l’instar de l’immense construction de blocs telle une boîte à outils géante sur lesquels évoluent les 13 comédiens pour incarner le bureau de Béranger de l’acte 2. Les scènes épurées sur un plateau volontairement dépouillé donnent à entendre le texte avec une rare intensité (départ Daisy), même si la scène de Jean se transformant en rhinocéros n’est pas la plus convaincante, malgré le talent du comédien Hugues Quester. L’autre point fort incontestable du spectacle tient à la qualité d’interprétation au premier rang desquels le comédien Serge Maggiani qui interprète un Béranger, tout en fragilité et en humanité, l’antihéros un peu lunaire passant de la révolte tranquille au refus d’obtempérer, quitte à perdre la femme qu’il aime. Solidement entouré par des comédiens très expérimentés, il « délivre » le texte avec une vérité et une justesse formidable.
La troupe du Théâtre de la Ville revient d’une tournée internationale de 2 ans qui leur a permis de présenter la pièce (en français !) aux quatre coins du globe (Los Angeles, Londres, Santiago du Chili, Istanbul, Athènes,…). Ils ont posé leurs valises à Paris du 2 au 10 juin avant de repartir en tournée à travers le monde.
Le point de vue d’Elisabeth
Crédit photo : ©Karsten Moran/The New York Times-REDUX-REA
Pour info Emma, la troupe a présenté la pièce à Londres en février….2013 (!) au Barbican Theater.
Si j’entends parler d’autre chose, let you know. Ca pourrait faire l’objet de sorties intéressantes pour tes étudiants…
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Une critique et des photos qui font bien envie, surtout lorsqu’on a étudié le texte avec ses élèves toute l’année sans voir aucune production.
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