
Delphine Robert

Elise Dubroca
Coup de théâtre ! Bonjour Delphine et Elise, comment est née la compagnie L’EFFET DU LOGIS ?
Delphine Robert: Tout est parti d’une rencontre fin 2005. J’avais en tête l’idée de proposer un théâtre professionnel à domicile, proche du public. J’ai soumis le projet à une comédienne que je connaissais bien au niveau du jeu (ndlr : Valérie Français). Elle a accepté de se lancer dans l’aventure et la compagnie est née en 2006. On a commencé par concocter une pièce « Le vernis craque » qui traitait de la différence entre l’être et le paraître. On l’a beaucoup jouée à domicile puis est né un deuxième spectacle « Sans entracte » avec Elise qui, entre temps, avait rejoint la compagnie. Progressivement, on a eu envie de proposer des pièces personnalisées, inspirées des vraies vies de nos hôtes!
Elise Dubroca: C’est vrai qu’on a rencontré un beau succès avec « Sans entracte » dans lequel on insufflait déjà des allusions, des clins d’œil à la vie des gens. Ca nous a permis de roder en quelque sorte notre principe de pièce personnalisée. On sentait que le public réagissait très bien à ce concept.
Quel type de pièce proposez-vous à domicile ? Avez- vous plusieurs « formules » ?
Delphine: Oui, on propose trois types de pièce, généralement à l’occasion d’anniversaires, de fêtes surprises chez des particuliers. D’abord, des pièces « imposées » dont on parlait à l’instant, par exemple « Le vernis craque » (pièce composée de saynètes enlevées d’auteurs riches et variés autour du thème de l’être et du paraître), qui dure 50 minutes. C’est l’occasion de faire découvrir ou redécouvrir des auteurs talentueux et pas toujours connus. Ensuite, on propose des pièces « personnalisées » : on part généralement d’une trame commune dans laquelle on insuffle des pastilles, des clins d’œil liés à la vie des personnes. Ces pièces durent 40 à 50 minutes. L’idée, c’est vraiment « Et si votre histoire devenait une pièce de théâtre », racontez-nous des anecdotes, sur vous, votre famille, vos invités et nous en faisons une pièce unique ! Et puis, on fait des 100 % « sur mesure », qui sont des pièces uniques écrites de A à Z et qu’on ne joue qu’une seule fois !
Elise: On a également déjà répondu à des demandes venant d’entreprises qui souhaitent fédérer leur équipe autour d’une expérience théâtrale hors du commun. On crée alors un programme sur mesure, inattendu qui marque les participants !
Comment préparez-vous les pièces personnalisées ? C’est un gros travail en amont j’imagine.
Elise: Oui, ça nécessite au départ un certain investissement. Quand on reçoit une demande, on rencontre les personnes de manière à recueillir des informations sur la personne pour qui nous jouons : personnalité, goûts, grandes étapes de vie, afin de nourrir notre inspiration pour l’écriture de la pièce. On essaye toujours de rencontrer plusieurs personnes de l’entourage (amis, famille,…) pour avoir des angles de vue différents. Après avoir interviewé un petit groupe mis dans la confidence, on écrit, on répète et on joue ! On est toujours vigilantes cependant sur les sujets « sensibles » qui pourraient blesser, rappeler des souvenirs douloureux ou dévoiler indirectement des secrets de famille.
Delphine: Ces interviews « préparatoires » sont très appréciés car ils permettent aux gens de parler, de s’ouvrir, de se livrer. Ils nous accordent beaucoup de confiance, ce qui est un confort de travail formidable pour nous ! On a de très beaux souvenirs de sur mesure. Je me rappelle d’une jeune femme qui fêtait son anniversaire et son mari nous avait confié qu’elle adorait les contes de fée. Du coup, on a joué « à fond » la carte du conte rocambolesque avec le soulier de Cendrillon dans l’escalier, l’aboyeur qui présente les invités, etc…
Concrètement, le jeu à domicile requiert-il des contraintes particulières ? Repérez-vous à l’avance les appartements par exemple ?
Elise: Non, on ne repère pas à l’avance. Généralement, les personnes nous décrivent la configuration des lieux par téléphone, ce qui nous suffit. On a déjà joué d’ailleurs dans des appartements très petits. En revanche, on ne joue pas devant moins de 15 personnes. En moyenne, le public, c’est 20/40 personnes. On répond même à une demande pour 60 personnes en ce moment.
Delphine: Mais on veille toujours, par le jeu des éclairages, à recréer une vraie scène, à maintenir une distance minimum avec le public, de manière à ne pas être trop intrusif, il est important de le laisser libre de ses réactions. On ne veut pas qu’il se sente piégé.
Justement, en quoi le rapport au public est-il différent dans le théâtre à domicile ?
Delphine: La grande différence, c’est qu’au théâtre classique, le public choisit d’aller voir une pièce alors qu’à domicile, il ne choisit pas. Nous ne sommes pas attendues ! Du coup, on se sert à fond de cet effet de surprise. On est encore plus actives pour être avec eux, les embarquer, les entraîner avec nous. Néanmoins, le fait que le public soit constitué d’amis, provoque une étonnante chaleur humaine et une écoute complice forte. On n’a jamais l’occasion de partager un spectacle, qui plus est personnalisé, avec 30 voir 50 de ses amis !
Elise: Il faut être très perméable, réactif à ce qui se passe. Personnellement, à domicile, je me sers davantage des réactions, des retours du public qui me permettent éventuellement de rebondir, de créer des mini improvisations, qui servent le spectacle, chose que je ne fais pas au théâtre « classique ».
En parlant public et rencontres, avez-vous des anecdotes savoureuses à ce sujet ?
Elise: Des anecdotes savoureuses, je ne sais pas, mais des moments très forts de communion, de partage, oui absolument ! Des personnes qui pleurent, qui ne veulent plus nous laisser partir, qui tombent amoureux (rires) ! La préparation des spectacles et les spectacles en eux-mêmes nous permettent de nouer une relation très forte de complicité, d’amitié, voir d’intimité car certaines personnes se livrent beaucoup pendant les interviews et partagent un moment unique avec nous pendant la représentation.
Delphine: C’est justement la vocation de la compagnie ! Tisser des liens forts et authentiques entre spectateurs et acteurs, rencontrer le public de cette manière là. J’ai toujours en tête et, c’est aussi une différence avec le classique, les gens qui, en fin de spectacle, nous regardent, qui auraient bien aimé nous parler, sans oser. A domicile, on a justement cette possibilité d’échanger avec le public et c’est toujours un moment un peu magique, pour eux comme pour nous. On garde d’ailleurs souvent contact avec des personnes chez qui on a joué et qui font fonctionner le bouche à oreille ! Et puis il y aussi ceux qui nous disent après la représentation « Moi je ne vais pas au théâtre mais là, vous m’avez donné envie d’y aller ! » et ça, c’est la plus belle récompense !

Valérie Français
Comment vous répartissez-vous les tâches au sein de la compagnie (écriture, mise en scène,…) ?
Delphine: C’est avant tout un travail d’équipe : on se déplace, on rencontre nos futurs hôtes, on écrit les pièces et on joue ensemble. Mais je m’occupe généralement des premiers contacts téléphoniques. J’essaye de bien comprendre l’univers du public, ce qu’il attend et ce qu’on peut lui apporter en plus, tout cela pour proposer un spectacle adapté et insolite. Mais il faut aussi veiller à la faisabilité des choses.
Elise: Je suis un peu plus orientée écriture et mise en scène, en partant toujours de mon envie, « qu’est ce que moi j’aurais envie de voir ? ». Mais au final on se complète très bien toutes les 3 (ndlr : avec Valérie Français). Delphine et Valérie canalisent mes excès de créativité, mon petit grain de folie (rire) ! On est toutes très animées par l’envie de créer et d’inventer de nouvelles choses.
Et sinon, quels ont été vos parcours avant la compagnie ?
Elise: J’ai commencé le théâtre très jeune à l’âge de 7/8 ans avec une institutrice qui était passionnée de théâtre. Je me suis formée dans pas mal de clubs de théâtre à Paris et aux Etats-Unis à the American Academy of Dramatic Art. J’ai terminé ma formation à l’école de la rue Blanche. J’ai beaucoup joué dans du théâtre contemporain, qui est le type de théâtre qui m’intéresse le plus. J’estime que le théâtre est quelque chose qui doit être ancré dans son époque, relever du « ici et maintenant ». Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus envie de créer, d’écrire, de mettre en scène.
Delphine : Je ne viens pas du tout d’un milieu artistique au départ. Mais dès l’école primaire, j’ai senti tout de suite un déclic, une évidence, un bonheur énorme de jouer. Et l’envie de devenir comédienne ne m’a plus jamais quittée. J’ai fait une école de commerce tout en suivant le cours Simon. J’ai joué beaucoup par la suite, aussi bien dans le théâtre classique que contemporain. Aujourd’hui, parallèlement au théâtre à domicile, je fais de la formation en art oratoire pour les médecins et les avocats. J’interviens aussi en tant que comédienne et scénariste sur le thème de la relation médecin/malade en collaboration avec des membres talentueux de la Société Française de psycho oncologie. C’est passionnant, on se sent utiles !
Merci ! Quels sont les projets de la compagnie ?
Delphine: On a le projet de travailler avec une galerie d’art qui combine art pictural et art culinaire et qui souhaiterait nous associer à des soirées événementielles. L’idée est d’écrire une pièce pour des personnes qui sont à table et qui, par un procédé original et malicieux sont amenées à entendre la conversation de la table d’à côté … Nous envisageons de corréler le texte à la cuisine proposée. On n’en dit pas plus pour le moment, on est en pleine création. Mais c’est un chantier passionnant !
Propos recueillis par Elisabeth Donetti
Compagnie L’EFFET DU LOGIS
www.leffetdulogis.com
Tel : 06 10 30 68 48
Mail : contact@leffetdulogis.com