♥♥♥♥ « La vie étriquée me terrifie. Et puis j’ai découvert l’avion, et cette aventure folle de l’Aéropostale. […] Mais cette folie est bien plus raisonnable que de mourir à petit feu, de son vivant, inanimé, étouffé dans un quotidien. »
Cette phrase pourrait à elle seule résumer le portrait de Saint-Exupéry que propose le spectacle : celui d’un homme habité par l’urgence de vivre, de voler, de se dépasser. Dans un décor volontairement épuré – un fragment de carlingue, une toile de fond évoquant tour à tour le ciel ou le désert –, le metteur en scène Benoît Lavigne privilégie la suggestion à la reconstitution. La pièce rappelle avec justesse que Saint-Exupéry ne fut pas seulement l’écrivain du Petit Prince, mais aussi un homme d’action, aviateur de l’Aéropostale et témoin engagé de son temps. Par petites touches, cette évocation biographique embrasse de multiples facettes du personnage : le pilote intrépide, l’idéaliste humaniste, l’amoureux tourmenté.
Accompagné à l’écriture par son complice Mathieu Rannou, Franck Desmedt, familier des seuls en scène et des rôles d’aventuriers du XXe siècle (notamment Kessel, la liberté à tout prix, actuellement à l’affiche) endosse cette fois le blouson d’aviateur de Saint-Exupéry. Dans une interprétation incarnée, portée par une énergie constante, il fait surgir un homme déchiré entre l’élan de son cœur pour Consuelo et son besoin viscéral de « voler », entre son envie de paix et l’urgence de s’engager, entre son besoin de solitude et son goût pour la fraternité. Les scènes d’action s’enchaînent avec fluidité. Le comédien « mouille sa chemise » – au propre comme au figuré –, passant avec aisance de la rencontre de l’aviateur avec Consuelo, sur fond de tango, à une scène de survie dans le désert ou de pilotage sous haute tension en pleine Seconde Guerre mondiale. En contrepoint, quelques citations de l’écrivain viennent rappeler sa voix sensible et poétique, volontiers lyrique lorsqu’il évoque le visage de celle qu’il aime.
Porté par une interprétation de haut vol et une mise en scène épurée, le spectacle touche par sa sincérité, laissant au spectateur le soin d’interroger, en creux, les contradictions de cet homme d’absolu.
Le billet de Véronique
SAINT-EXUPÉRY, LE COMMANDEUR DES OISEAUX
LUCERNAIRE
53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris
Jusqu’au 4 janvier 2025
Durée : 1 h 10
Crédits photo : Frédérique Toulet
COUP DE THÉÂTRE 