
♥♥♥♥ Pour notre plus grand plaisir, Léna Bréban s’est emparée de la célèbre pièce de Beaumarchais, écrite juste avant la Révolution, dénonciation mordante des rapports de domination entre maîtres et domestiques, mais aussi entre hommes et femmes. Son adaptation en souligne toute l’actualité à notre époque post-MeeToo. Ainsi, les femmes luttent chacune à leur manière pour repousser ceux qui les harcèlent et arriver à leurs fins : Suzanne, la camériste, désireuse d’épouser le valet Figaro, dont elle est amoureuse, doit ruser pour échapper aux assauts du comte, qui aimerait bien exercer son « droit de cuissage » sur elle ; quant à la comtesse, elle est victime de la jalousie de son mari (qui la délaisse) vis-à-vis de Chérubin, tout feu tout flamme à la vue d’un simple jupon féminin. D’autres personnages hauts en couleur (notamment celui de Marceline, interprétée par Annie Benoît, savoureuse en vieille fille qui a jeté son dévolu sur Figaro) viennent enrichir ce réjouissant jeu de dupes.
: LA FOLLE JOURNÉE OU LE MARIAGE DE FIGARO – LA SCALA PARIS : LA FOLLE JOURNÉE OU LE MARIAGE DE FIGARO – LA SCALA PARISTout en respectant à la lettre le texte de Beaumarchais, la metteuse en scène met en exergue la dimension féministe de la pièce. On retiendra notamment le plaidoyer plein de dignité de Marceline (coupé à la création par les acteurs de la Comédie-Française !), face à la lâcheté du médecin Bartholo qui a refusé de l’épouser alors qu’elle était enceinte : « Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire : leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! » Tout est dit.
UNE PORTÉE SOCIALE
La mise en scène virevoltante est servie par une distribution de haut vol et des dialogues acérés. Dans le rôle de Figaro, Philippe Torreton nous fait rapidement oublier son âge tant il est alerte et à l’aise dans les habits du vibrionnant valet, jamais à court d’arguments et de bons mots. Son insolence n’a d’égale que l’arrogance de son maître, incarné par un Grégoire Oestermann aussi drôle que ridicule en noble libidineux, accroché à ses privilèges. Marie Vialle, quant à elle, campe une Suzanne pleine de vivacité et de ressources, alter ego féminin de Figaro, aussi décidée que lui à choisir son destin. Gretel Delattre, dans le rôle de la comtesse, se montre aussi douce que déterminée à se venger en piégeant son volage mari. Mais si l’on rit beaucoup de tous les stratagèmes qui se montent sous nos yeux, émerge une note de gravité bienvenue avec le monologue de Figaro, où il souligne la lutte perpétuelle des gens du peuple par rapport à ceux qui sont « bien nés ». Torreton nous livre là une interprétation dense et incarnée qui redonne au texte toute sa portée sociale.
Le décor est composé d’une grande toile de Jouy en fond de scène et d’un tableau des « maîtres » accroché sur le côté, évoquant ce XVIIIe siècle finissant. Grâce à des panneaux amovibles, il se transforme à l’envi, accentuant la fluidité de la mise en scène et les déplacements des comédiens. Quant aux costumes, d’époque mais d’une sobre élégance, ils permettent aux comédiens d’évoluer librement.
Voilà de la belle ouvrage, parfaitement dirigée et exécutée, qui nous démontre que la charge corrosive de l’œuvre de Beaumarchais n’a pas faibli avec le temps. Dommage que son combat soit loin d’être terminé… Le rire reste la meilleure arme contre l’iniquité. Courage, rions, mesdames !
Le billet de Véronique
LA FOLLE JOURNÉE OU LE MARIAGE DE FIGARO
La Scala Paris
13, boulevard de Strasbourg – Paris 10e
Jusqu’au 4 janvier 2026
Du mercredi au samedi à 21 heures, le dimanche à 17 heures
Durée : 1 h 50
Crédits photos 1 et 3 : Louie Salto – photo 2 : Ambre Reynaud


