
♥♥♥ Dans la Vienne du début du XXe siècle, il n’est pas un bibliophile qui ne connaisse Jakob Mendel, catalogue vivant de l’ensemble du savoir imprimé. Monomaniaque à la mémoire prodigieuse, affreusement peu doué en affaires, il est affligé d’une boulimie bibliographique qui fait de lui un homme précieux. Perpétuellement installé à la table du café Gluck du vieux Vienne dont il a fait son quartier général, il délivre ses conseils aux amateurs d’éditions les plus rares ou les plus savantes. Pour cela, il reçoit des quatre coins du monde la documentation nécessaire à entretenir son expertise. Mais la guerre 1914-1918 éclate, et ce pacifiste passionné de livres est suspecté d’espionnage…
« Tout de suite ce personnage [le bouquiniste Mendel] m’a attiré parce que, à un moment de ma vie, j’avais croisé pendant plusieurs années un personnage très similaire. Dans une vie précédente j’étais pédiatre. Mon maitre fut un homme qui, après un parcours tragique (déporté pendant un an à Auschwitz) était devenu, à l’époque où la mémoire du monde ne se trouvait que dans les livres et dans le cerveau de l’homme, une référence dans le monde médical tant sa connaissance livresque était presque infinie. Dans son domaine on avait toujours l’impression qu’il avait tout lu et, de ce fait, avait réponse à tout. Leur judéité commune, et la tragédie qui les avaient traversés, comme elle avait traversé la vie de Stéphane Zweig, malgré une époque différente, me les rendait très proches. Je percevais comme un hommage le fait de me glisser dans la peau d’un tel personnage. » (Jean-Luc Giorno, l’adaptateur).
« Stefan Zweig, à travers l’histoire du bouquiniste Mendel, développe une forte tension humaniste dans le contexte historique trouble de la Première Guerre mondiale : la méfiance envers l’étranger, a fortiori juif, provoque l’emprisonnement puis la destruction d’un grand nombre de civils. Zweig dénonce les sectarismes, qu’il s’agisse d’antisémitisme, d’homophobie ou de toute autre forme de rejet et d’intolérance. (…) Dans cette nouvelle au texte plein d’esprit et d’humanité, Zweig “démontre les résultats déplorables et pathétiques de la haine et du mépris de l’autre.” Zweig parvient, avec une histoire presque anecdotique, à pointer avec force et précision un fléau redoutable et malheureusement éternel. À la manière du conte, il nous montre comment la peur engendre la bêtise puis la violence de l’injustice. » (Yves Patrick Grimo, le metteur en scène)… dans une langue fluide, tendre, sensible mais si fragile, pareille à la vie d’un homme.
Le plateau est dépouillé de tout artifice de décors, seule une chaise de bistro trône en son milieu. En fond sonore, les rumeurs des voix des clients et les bruits du service des garçons de café. Le jeu des comédiens – Jean-Luc Giorno et Nicole Giorno – est sobre. Cette volonté d’absence d’artifice invite à la réflexion sur l’évolution de notre monde. Ce spectacle est un bel hommage à l’écriture et au talent de Stephan Zweig.
Le regard d’Isabelle
À La Folie Théâtre
6, rue de la Folie-Méricourt – 75011 Paris
Du vendredi 5 septembre au samedi 29 novembre 2025, les vendredis et samedis à 19 h 30
Durée : 1 h 20


