
♥♥♥ Hôpital psychiatrique de Providence à Halifax (Canada). Fin des années 1940. Adèle Bloom, une jeune employée de la Poste souffrant d’inadaptation sociale, vient d’y faire son entrée à l’initiative de sa mère. Dans le pavillon des « bonnes malades », tout lui semble hostile, à commencer par l’infirmière en chef, Miss Wilbord, qui l’écrase dès la première entrevue de toutes les recommandations de l’institut… Heureusement, Poppie, une internée de longue date, fantasque et énigmatique, laisse entrouverte à Adèle la porte d’une humanité perdue.
Délestée de tous ses droits dès son arrivée à l’institut Providence d’Halifax, Adèle Bloom est envahie d’indicibles terreurs : Quand pourra-t-elle rentrer chez elle ? De quels sévices fera-t-elle l’objet ? En quoi consistent exactement ce traitement à la mode par l’électricité et ces nouvelles opérations du cerveau testées par le directeur de l’établissement dans un tourbillon médiatique ? Le temps passe au rythme des rites de l’hôpital où tout lui semble hostile, à commencer par l’infirmière en chef, Miss Wilbord, tandis qu’une patiente célèbre, Rosemary Kennedy (sœur cadette de John Fitzgerald Kennedy, futur 35e président des États-Unis), glace l’atmosphère de l’institut par sa présence muette.
Je m’appelle Adèle Bloom suit le parcours romanesque et haletant d’une jeune femme écrivain dans cet asile psychiatrique canadien, de son entrée, à l’initiative de sa mère, jusqu’à sa sortie grâce à la miraculeuse parution de son livre, écrit en secret durant huit années d’internement, décrivant les traitements expérimentaux dévastateurs mis en œuvre sur sa personne. La pièce de Franck Harscouët interroge sur le pouvoir de la création, la frénésie du monde médiatique et la question irrésolue de la folie. Avec ses allures de thriller mental, s’y croisent d’incroyables faisceaux de faits réels dans lesquels sont invités les fantômes d’Adèle Hugo, de Frances Farmer, de Rosemary Kennedy et de cette figure scandaleuse de la neurochirurgie américaine, Walter Freeman, qui a connu des années de gloire médiatique avant que ses travaux soient décriés par ses pairs pour leurs mutilations irréversibles et totalement inutiles.
Je m’appelle Adèle Bloom nous permet de pénétrer à l’intérieur des murs d’un hôpital psychiatrique canadien de la fin des années 1940. On découvre le quotidien des patients, les relations soignants/soignés, les liens avec les familles, le non-respect du secret médical… et les traitements expérimentaux subis par les patients sans que jamais leur soit demandé leur propre accord même s’ils ont atteint leur majorité. Seul celui de leur famille est sollicité. Le tout est édifiant, dérangeant, percutant, instructif. Bouleversant. Quant à l’interprétation d’Armelle Deutsch, elle est intense et impressionnante de vérité et de grandeur. Magnifique. Laura Elko et sa marionnette habitent étonnamment tout le spectacle malgré leur silence quasi-permanent. À elle seule, Sophie-Anne Lecesne interprète quatre personnages : la mère, Poppie et deux infirmières-chef. En un instant et un changement de costume (trop minimaliste, parfois on doute de qui elle est aux premières secondes de sa nouvelle apparition, ses costumes étant tous du même coloris, vert olive), elle est incroyable de justesse dans le ton comme dans le geste. Pour finir, Philippe d’Avilla est terrifiant par son charisme et son discours inébranlable autour de ses certitudes médicales totalement erronées, exprimé sur un ton froid et avec un regard cinglant. En somme, une distribution de très haut vol, au service d’un texte qui aurait mérité de se défaire de bien des longueurs dans la première partie, qui freinent la progression vers la folie d’Adèle Bloom. Heureusement, le décor, la lumière, la musique de Chopin (parfois trop forte si bien qu’elle couvre la voix des comédiens) et la mise en scène de l’auteur habillent avec justesse et précision la descente aux tréfonds de ces âmes humaines complexes.
Je m’appelle Adèle Bloom est une pièce aussi fascinante que dérangeante pour le spectateur par la qualité impressionnante de son interprétation. À découvrir au Théâtre des Gémeaux Parisiens.
Le regard d’Isabelle
Théâtre des Gémeaux Parisiens
15, rue du Retrait – 75020 Paris
Le spectacle se joue du 5 au 27 avril 2025
Du mercredi au samedi à 18 h 45. Les dimanches à 14 h 45
Les 16, 23, 24 et 25 avril à 19 h 30 (au lieu de 18 h 45)
Durée 1 h 40
Crédit / Copyright : © Franck Harscouet


