
♥♥ Dans l’intimité de leur chambre à coucher, éclairée par une simple bougie, un couple qui n’arrive pas à dormir évoque la ville qu’il aime tant, rongée par une pauvreté et une insécurité endémiques. Les deux amants se remémorent leurs plus beaux souvenirs, chantent, se caressent, se déchirent… avant la séparation qui paraît inéluctable. Elle, Zily, veut partir vivre ailleurs avec lui, mais Ferah refuse de quitter son île, attaché à son travail à l’hôpital. En toile de fond se découpe la silhouette de Port-au-Prince qui tangue, plongée dans un crépuscule bleuté. De temps en temps, des coups de feu émaillent la nuit, rappelant le chaos au-dehors.
Face à son amante, qui essaie de le convaincre de le suivre, l’homme oppose son impassibilité et sa croyance en la solidité de leur amour. Alors qu’elle ne peut plus supporter la dureté du quotidien et rêve d’aller explorer d’autres ailleurs, lui ressent l’impérieuse nécessité de continuer à lutter à travers son travail. C’est une histoire intime – celle, en partie autobiographique, de l’écrivaine engagée Gaëlle Bien-Aimé –, rattrapée par la réalité sociale d’un pays déchiré par la violence.
Malgré leur parfaite diction et leur belle présence sur scène, les deux comédiens (Sonia Bonny et Lawrence Davis) peinent à faire ressortir la connivence et la sensualité qui les relient, ainsi que leur attachement viscéral à leur ville. Peut-être est-ce dû à une langue très littéraire à laquelle leur jeu un peu trop distancié ne réussit pas à donner chair. Ce que la pièce gagne (peut-être) en délicatesse, elle le perd en intensité. Bien que j’aie été sensible à la poésie du spectacle, j’aurais aimé ressentir plus fortement la chaleur et la fougue caribéennes.
Ceci n’enlève rien à la beauté du texte de Gaëlle Bien-Aimé (prix RFI du texte 2022), traversé d’éclats de lyrisme et de musicalité, qui rend hommage à Port-de-Prince et au-delà, à la culture haïtienne tout entière.
Le billet de Véronique
PORT-AU-PRINCE ET SA DOUCE NUIT
Théâtre 14
20, avenue Marc-Sangnier – 75014 Paris
Jusqu’au 22 mars
Mardi, mercredi et vendredi à 20 h, jeudi à 19 h et samedi à 16 h
Durée : 1 heure
Crédits photo : Samuel Kirszenbaum


