LES FEMMES DE BARBE-BLEUE – THÉÂTRE DE BELLEVILLE

♥♥♥♥ « Derrière toute porte qu’on a peur d’ouvrir, toute question qu’on refuse de se poser, toute liberté à laquelle on accepte de renoncer, il y a une femme mise à mort par le prédateur en nous : La Barbe Bleue. » Clarissa Pinkola Estés
Qu’y a-t-il derrière cette porte que la cinquième épouse de Barbe-Bleue tremble d’ouvrir ? N’avons-nous pas toutes rêvé un jour de pousser la porte d’un endroit qui nous était interdit ? D’où vient cette curiosité qualifiée de « féminine » comme si c’était un intolérable défaut ? Et si c’était seulement l’envie d’explorer d’autres parts de nous-même, une pulsion de vie tout à fait légitime, et même nécessaire pour devenir une femme accomplie ?

Ces questions, la metteuse en scène, Lisa Guez, les explore à travers ce spectacle créé en 2018, au Lavoir moderne parisien, et écrit collectivement. Il est porté par cinq comédiennes qui interprètent les épouses de Barbe-Bleue.  Elles sont très différentes, mais elles ont au moins un point commun : elles sont tombées dans les filets de ce prédateur, ont été séduites et ont inconsciemment accepté de jouer les proies. Sur scène, leurs fantômes vont venir tour à tour exposer leur histoire devant les trois autres avec leur sensibilité et leurs mots spécifiques.

Comme dans un groupe de parole, avec bienveillance – et souvent avec humour –, chacune de ces femmes écoute l’autre, la soutient et l’encourage à se libérer de ses chaînes. Que ce soit pour jouer l’une des épouses ou Barbe-Bleue lui-même, les comédiennes sont très investies et épatantes de naturel.

AUTOCENSURE
En prenant comme fil directeur le célèbre livre Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estés – la psychanalyste américaine d’origine mexicaine –, la metteuse en scène Lisa Guez revisite le conte de Perrault d’une manière moderne et subtile. Elle explore les questions de la domination masculine et du féminicide dans notre société, mais pas seulement. En quoi cette figure de prédateur, incarnée par Barbe-Bleue, peut-elle nous attirer inconsciemment ?  Et si c’était nous qui avions intégré une part destructrice dans notre propre psychisme et nous interdisions d’être libres ? Les femmes peuvent parfois être leur pire ennemie.

La version de Perrault renvoyait la culpabilité sur la figure féminine, trop curieuse, qui avait désobéi à son mari. Celle de Lisa Guez propose une quête jubilatoire de la liberté. Elle nous invite à pousser les portes des cabinets interdits, à écouter nos désirs et à retrouver enfin notre vraie nature, débordante de vie. Il ne tient qu’à nous d’être des femmes « sauvages » et « puissantes ». C’est le message que nous délivre la pièce quand les quatre fantômes s’enfuient au volant de la voiture, conduite par la survivante.
Même pas peur !

Le billet de Véronique

LES FEMMES DE BARBE-BLEUE
Théâtre de Belleville
16, passage Piver – Paris 11
Jusqu’au 29 mars 2025
Du mercredi au samedi à 21 h 15
Durée : 1 h 25

Crédits photo : Morgane Moal

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