KING KONG THÉORIE – THÉÂTRE MONFORT

♥♥♥♥ Trois actrices sur scène, trois aspects de la féminité : celle blessée dans sa chair, celle qui joue le jeu social et celle qui réfléchit. Mais derrière ces figures se cache surtout celle de Virginie Despentes, la « guerrière » au verbe cru, parfois violent, mais à l’esprit acéré. Une auteure dont le propos percutant, toujours d’actualité (son livre a été publié en 2006), fait l’état des lieux de la condition des femmes, et de fait, des hommes dans ce deuxième millénaire. Elle s’interroge sur la culture du viol, l’assignation des rôles et met en avant la puissance potentielle des femmes.

Dans ce spectacle maîtrisé de bout en bout, la metteuse en scène Vanessa Larré, avec la collaboration de Valérie de Dietrich, adapte le monologue de Despentes et le confie à trois comédiennes, le rendant ainsi très vivant. C’est une véritable révolution qu’invite à faire l’écrivaine : se départir de tous les clichés liés à l’éducation qui encombrent la tête des femmes (leur prétendue passivité, notamment), prendre en main leur destin et trouver leur place dans la société, loin des diktats du patriarcat. Au-delà du discours classique du féminisme, elle propose une « révolution des genres » qui ne peut se faire sans les hommes, eux-mêmes enfermés dans des stéréotypes qui les empêchent d’exprimer leur sensibilité. Pour les plus optimistes d’entre nous, n’est-elle pas en train de faire ses premiers balbutiements ?

Sans aucun tabou, l’auteure illustre son propos à travers les étapes de sa vie et de sa reconstruction : l’« épreuve fondatrice », l’expérience de la prostitution, la pornographie. Sa vision du viol, notamment, interpelle tant elle est audacieuse. Victime désignée d’avance par la société, la femme doit se battre pour sortir de ce rôle. Anne Azoulay, Valérie de Dietrich et Marie Denarnaud incarnent formidablement ce combat. À tour de rôle, elles s’adressent frontalement au public ou se filment mutuellement. Un va-et-vient du plateau à l’écran vidéo permet de mettre en avant certaines scènes symboliques, comme le jeu avec les figurines (très drôle) ou la figure de King Kong, en tant que représentant des forces primitives, piégé par la société.

Avec beaucoup d’inventivité, la mise en scène de Vanessa Larré – qui avait déjà monté ce spectacle il y a dix ans – redonne chair au texte, scandé plutôt que joué, avec la musique de Stan Valette en appui. Un moment très fort, qui donne envie de bouger les lignes.

Je laisse le mot de la fin à Virginie Despentes : « Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. » Tous les autres… La révolution est en marche.

Le billet de Véronique

KING KONG THÉORIE
Théâtre Sylvia Monfort
106, rue Brancion – 75015 Paris

Jusqu’au 15 juin 2024
Du mardi au vendredi à 20 h
Le samedi à 18 h – Durée : 1,15 h

Crédits photo : Sylvain Pierre/Supermouche Productions

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