PANNONICA, BARONNE DU JAZZ – STUDIO HÉBERTOT

♥♥♥ New-York, 1958. Une femme est arrêtée par la police. Elle est au volant d’une voiture de luxe aux côtés du musicien Thelonious Monk. Cette femme est Pannonica de Koenigswarter, née Rothschild. Au fil de son interrogatoire, elle se révèle libre et moderne : elle a brisé les codes moraux et les conventions sociales qui l’enfermaient pour devenir la muse et la mécène des plus grands jazzmen noirs américains des années 1950, leur grande amie et parfois, leur maîtresse.

Olivia Elkaïm nous conte l’incroyable mais véridique destin de Pannonica de Koenigswarter (1913-1988). Née Kathleen Annie Pannonica le 10 décembre 1913, elle est la fille de Charles Rothschild, banquier par devoir, entomologiste par passion, baron dans la haute société. Croisant en Hongrie une variété inconnue de papillons, il la nommera tout comme sa troisième enfant, Pannonica, du nom latin de la Hongrie, au plus grand dam de sa mère et de son proche entourage. D’ailleurs, seul son père la prénomme Pannonica, les autres l’affublent d’un prénom plus formel dans lequel jamais elle ne se reconnaîtra : Katlyne.

Jeune femme d’une grande beauté, à 22 ans, elle épouse un jeune militaire français, le baron de Koenigswarter, de dix ans son aîné. Elle lui donnera cinq enfants. Très vite, Pannonica s’ennuie dans sa vie trop étroite de mère au foyer avec un mari si sérieux et trop rigide. Plus encore, elle exècre le milieu mondain dans lequel elle se doit d’évoluer. Sa passion pour le jazz l’appelle… Sa rencontre avec le roi du be-bop Thelonious Monk lui fera découvrir le jazz. Pour eux, le musicien et sa musique, elle n’hésite pas à tout quitter, allant à l’encontre de tous les préjugés de son époque : elle est blanche, lui est noir ; elle est juive, lui chrétien ; elle est riche, lui pauvre. Et pourtant, ils seront inséparables pendant près de trente ans. Pannonica fera tout pour que son génie soit reconnu, en actes comme en financement. Nica (pour ses amis musiciens) fera de même avec Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Art Blakey, Bud Powell, Walter Davis, Sonny Clark, Lionel Hampton et bien d’autres. Avec eux, les nuits, elle écume les clubs de jazz d’Harlem jusqu’à être membre du syndicat des musiciens et leur décrocher des contrats. En retour, ils créeront pour elle une vingtaine de thèmes (Pannonica de Thelonious Monk ; Blues for Nica de Kenny Drew ; Thelonica de Tommy Flanagan ; Nica’s dream d’Horace Silver…), toujours interprétés et enregistrés de nos jours.

Dans l’Amérique des années soixante, une blanche et un noir circulant dans une même voiture n’est pas dans l’ordre des choses. Arrêtés par la police, Pannonica de Koenigswarter et Thelonious Monk passeront une nuit au poste. Lui dans une cellule, elle face à un policier. Elle raconte : son enfance, son mariage, sa vie de mondaine, sa passion pour le jazz, ses nuits et ses jours avec ses amis jazzmen. La mise en scène de Christophe Gand dessine habilement l’espace et les tensions ambiantes, la musique d’accompagnement (interprétée par Raphaël Sanchez) la parachève. La performance d’interprétation de Natacha Régnier nous emporte d’un bout à l’autre à la rencontre de cette femme dont l’histoire reste peu connue en dehors du milieu du jazz. Le texte d’Olivia Elkaïm, malgré des longueurs et des redites, nous plonge dans les méandres d’une Amérique discriminante et raciste. Il nous donne une folle envie de (re) découvrir le chemin de vie de cette femme passionnée de jazz, habitée par une grande envie de liberté et d’égalité pour les hommes et les femmes, peu importe leur religion ou leur couleur de peau.

Le regard d’Isabelle

PANNONICA, BARONNE DU JAZZ 

STUDIO HEBERTOT – 75017 Paris

Du 1er juin au 03 juin 2023

Laisser un commentaire