
♥♥♥Quelque part dans le sud de l’Italie, trois prostituées en grande précarité élèvent un enfant mutique et handicapé mental. Misericordia, écrit et mis en scène par la Sicilienne Emma Dante, questionne la puissance de l’amour maternel par-delà la différence et la souffrance.
Bettina, Nuzza et Anna vendent leur corps chaque soir pour survivre. Leur appartement miteux est le théâtre d’un quotidien précaire émaillé d’éclats de voix, de coups de gueule ou d’éclats de rire. Et des fantaisies d’Arturo, un enfant mutique, handicapé mental, fruit d’une relation entre une autre prostituée et un homme violent, qu’elles élèvent depuis sa naissance. Mais Arturo, « l’idiot, celui qui ne comprend rien » auquel ces trois femmes se sont viscéralement attachées, a définitivement grandi et doit quitter ses trois mères pour rejoindre un foyer.
À travers le portrait de cette famille misérable, Emma Dante rend hommage à l’amour qu’une mère peut éprouver pour un enfant qu’elle n’a pas porté, questionne également la précarité sociale, les violences faites aux femmes et la résistance au quotidien. Elle propose un théâtre brut, âpre, minéral, qui sacralise l’interprétation de ses comédiens volontairement excessifs, voire outranciers, en hommage à la tradition italienne de la commedia dell’arte. Et parvient à fait résonner une langue chaude, vivante, brutale, dialectale à souhait au service de son propos. Les acteurs, absolument excellents, avec mention spéciale pour le danseur Simone Zambelli, qui compose un Arturo incroyablement fragile et attachant, donnent corps à leurs personnages avec une belle intensité (parade du bordel merveilleusement orchestrée). Dommage seulement que les épisodes chorégraphiques, nombreux et longs, prennent le pas sur le sujet et diluent quelque peu la narration de la pièce.
Signé Elisabeth
Théâtre des Bouffes-du-Nord, 37 bis boulevard Chapelle, 75018 Paris
Du 23 au 30 novembre 2022
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h
Crédits photo : Christophe Raynaud de Lage