
♥♥♥ Sur scène une femme apparaît. Qui est-elle ? Une fille ? Une mère ? Une artiste ? Une visionnaire sociale ? Une originale éprise de liberté ? Une déséquilibrée ? Le spectacle concocté par Juliette Andréa Thierrée incarne toutes les palettes de Niki de Saint Phalle, féministe et avant-gardiste, dans son intimité, sa folie et sa démesure.
Artiste franco-américaine, Niki de Saint Phalle (née en 1930 à Neuilly-sur-Seine, décédée à San Diego en 2002) est connue du grand public par ses « Nanas » (1965) et leurs corps voluptueux aux couleurs chatoyantes. En 1967, au Stedelijk Museum d’Amsterdam, elle nomme son exposition « Les Nanas au pouvoir ». Ses premières œuvres étaient très noires, torturées, violentes ; les dernières éblouissent par leurs couleurs éclatantes et leurs volumes gigantesques. Au fil des années, elle a recherché la résilience par l’art plastique en transcendant les désastres de son existence : la folie, le poids des injonctions familiales, l’inceste, le suicide de sa jeune sœur.
Fascinée par l’œuvre de l’artiste plasticienne, Juliette Andréa Thierrée lui consacrera son seule en scène Niki de Saint Phalle. Vivre ! qu’elle tournera plusieurs années. Suivra un « besoin de travailler en duo avec une danseuse [comédienne Lois Husson]. […] La vie et l’œuvre de Niki de Saint Phalle, en particulier ses Nanas, constituent le point de départ du projet et le prétexte pour aborder par le travail corporel [et la danse] tous les archétypes féminins, de la Mariée soumise à la Mère, de la prostituée sacrifiée à la femme libre et épanouie (la Nana). »
La mise en scène de l’autrice-interprète reflète l’univers de Niki de Saint Phalle, coloré et exubérant. Sur scène, les comédiennes – Juliette Andréa Thierrée, Lois Husson, Coriane Alcade, Valentine Desmier – créent des sculptures vivantes. Par le subterfuge d’une interview, l’artiste dévoile les temps forts de sa vie, sa résilience suite au viol par son père à l’âge de 11 ans. « Pour la petite fille, le viol c’est la mort. […] Les Nanas m’ont apaisée, confie-t-elle. Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail. […] C’était mon destin. En d’autres temps, on m’aurait internée pour le restant de mes jours. […] J’ai embrassé l’art comme ma délivrance et comme une nécessité. […] ». En traduisant « en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l’espoir et la joie », ses « angoisses et ses démons », Niki de Saint Phalle a donné un bel exemple de la créativité issue d’un traumatisme.
Le spectacle de Juliette Andréa Thierrée, Niki de Saint-Phalle, les Nanas au pouvoir lui rend hommage au Théâtre de l’Opprimé. Instructif dans son contenu, créatif dans sa forme, l’interview de l’artiste par une journaliste est le fil rouge qui permet de relier les différents éléments de sa vie tumultueuse, d’apporter au public du factuel, d’éviter au propos de se perdre dans le patchwork de ses délires. La création de sculptures humaines accorde aux spectateurs des pauses de récupération pour mieux accueillir les prochains épisodes critiques de sa vie d’écorchée vive. Spectacle hors du temps, on en sort quelque peu bousculé par la violence des faits, des propos, des couleurs. Pour un public averti.
Le regard d’Isabelle
NIKI DE SAINT PHALLE, LES NANAS AU POUVOIR
Théâtre de l’Opprimé – 78, rue du Charolais – 75012 Paris
Du 12 juillet au 3 août 2025
Du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h
Durée 1 h 30
Jusqu’au 4 janvier 2026, au Grand Palais à Paris, exposition consacrée à Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hultén.