
♥♥♥ Vingt ans après « La Puce à l’Oreille », le metteur en scène Stanislas Nordey s’empare de « L’Hôtel du Libre-Echange », l’autre oeuvre phare de Feydeau, pour signer un spectacle franchement réjouissant, en clôture de saison à l’Odéon. Rarement spectacle a autant divisé les critiques et le public, à lire la presse des derniers jours. La proposition fut pour moi à la hauteur de la promesse : une revisite tonique, fantaisiste, débridée et… au final parfaitement maîtrisée aussi bien dans la direction artistique que l’excellente direction d’acteurs.
Le pitch feydeau-esque est toujours aussi délicieux à partager : la pièce met en scène deux couples de notables vivant sur le même palier : les Pinglet et les Paillardin. Seulement, Monsieur Pinglet se trouve insatisfait de sa femme et jette son dévolu sur Madame Paillardin, elle-même lassée de son architecte de mari, peu porté sur la chose. Il n’en faut pas moins pour que le couple d’amants se donne rendez-vous le soir-même l’Hôtel du Libre-Echange, une maison de passe interlope, malheureusement inspectée ce même soir… par Monsieur Paillardin chargé de vérifier que le lieu n’est pas hanté. Sans compter sur le passage improbable de Victoire, la femme de chambre des Pinglet, bien décidée à déniaiser Maxime, le neveu de Paillardin, un lycéen de Stanislas…! Auquel s’ajoute l’ami des Pinglet, Matthieu et ses quatre filles, de passage dans la capitale, qui s’inviteront à la fête de ce grand delirium qui fait clamer à l’envie à tous les protagonistes « Mon Dieu, quelle nuit ! ». N’en jetez plus, l’Hôtel du Libre-Echange sera le théâtre d’un tourbillon de chassé-croisés et de quiproquos plus loufoques les uns que les autres, dans la plus pure tradition du vaudeville.
Stanislas Nordey, plus connu pour ses mises en scène d’oeuvres contemporaines, s’empare avec un plaisir évident de la langue et du génie comique de Feydeau, qu’il parvient paradoxalement à magnifier en s’affranchissement des codes habituels du genre. Exit les décors bourgeois, les costumes cossus, les portes qui claquent et les escaliers en trompe l’œil. Nordey opte pour une mise en scène et un décor dépouillés à l’extrême (jusqu’à la quasi abstraction !) pour laisser entendre le texte, rien que le texte et le ressort comique de l’oeuvre. Et sur ce point, le pari est relevé grâce à un casting de haut vol (mentions spéciales à Hélène Alexandridis, Cyril Bothorel, et Claude Duparfait) qui donne ce qu’il faut de précision et de rythme à la mécanique vaudevillesque, particulièrement réussi à l’acte 2. Verve, fantaisie, plaisir canaille, tout s’y déploie avec talent, d’autant qu’on ne boude pas son plaisir à voir affublés (discrétion oblige, costumes de rigueur !) les protagonistes de cette folle soirée de costumes en plumes, tels des autruchons sortis de l’oeuf, bras et jambes nus et talons de rigueur. Il fallait l’oser ! Nordey réussit à redonner à l’oeuvre toute sa fraîcheur, sa fantaisie et sa richesse. On n’a pas boudé notre plaisir.
Signé Elisabeth
Odéon- théâtre de l’Europe, Place de l’Odéon, 75006 Paris
Du 6 mai au 13 juin 2025
Du mardi au samedi à 20, le dimanche à 15h
Crédit photos : Jean-Louis Fernandez


