LES MYSTÈRES DE PARIS – THÉÂTRE DE LA HUCHETTE

♥♥♥ Paris, 1850. Dans les ruelles sinueuses de la capitale infestée par la pègre, Rodolphe, énigmatique aristocrate germanique, vient en aide aux opprimés, travesti en simple ouvrier. Tandis qu’il affronte escrocs et criminels, son passé trouble ressurgit…

« Conçu initialement comme un roman en deux volumes, Les Mystères de Paris sera finalement édité sous forme de feuilleton, dans le Journal des débats, à partir de 1842. Le succès est tel que l’histoire se rallonge. De deux volumes, on passera finalement à dix. Eugène Sue, issu de la bourgeoisie et proche de la noblesse royaliste, rechignait à écrire sur les gens du peuple, disant détester ‘‘ce qui est sale et ce qui sent mauvais’’. Pourtant, c’est en dénonciateur des inégalités sociales qu’il se posera finalement quand l’histoire s’achève. Les Mystères de Paris porte tous les symptômes du fourmillement qui a accompagné sa genèse. Environ 80 personnages importants y coexistent à travers une trentaine d’intrigues parallèles. Toutes les couches de la société y sont représentées. »

Traduire cette profusion de vie sur le petit plateau du Théâtre de la Huchette, avec seulement trois comédiens, sous la forme d’une comédie musicale, tel est le défi que les adaptateurs – Patrick Alluin, Éric Chantelauze et Didier Bailly – se sont attelés à relever. Certains éléments proviennent de l’adaptation théâtrale tirée par Eugène Sue lui-même de son roman. Le récit qui nous est conté s’articule autour de trois personnages : Rodolphe, héros aussi mystérieux que valeureux, Fleur de Marie, fille des rues abandonnée par la société, Maître Ferrand, notaire crapuleux, grand antagoniste de l’histoire. Autour d’eux évoluent une dizaine d’autres figures. Leurs interactions avec les trois héros permettent de reproduire le caractère feuilletonesque du roman. 

L’adaptation de l’œuvre d’Eugène Sue en comédie musicale est une véritable prouesse autant dans son écriture que dans son interprétation. Les notes de Didier Bailly révèlent les héros sous des angles différents et donnent du corps aux choix et aux contradictions à la quinzaine des personnages évoluant devant des toiles peintes et dans un mobilier ultraminimaliste. Les comédiens, habillés de blanc, enfilent manteaux, capes ou corsets, dessinés par Julia Allègre, pour incarner une quinzaine de personnages à eux trois. Quant à la mise en scène de Patrick Alluin, elle prend des allures du XIXe siècle confondantes.

Les Mystères de Paris sont un pur bonheur (même si le tout un peu trop long – 1 h 50 au lieu des 1 h 40 annoncées – et si on s’interroge sur l’intérêt d’adapter cette œuvre en comédie musicale, sinon de céder à la mode actuelle de mêler le chant aux grands textes de la littérature française. Les comédiens – Lara Pegliasco, Simon Heulle, Olivier Breitman ou Arnaud Léonard – sont aussi d’excellents chanteurs. Ils enchaînent rôles hauts en couleur avec leurs changements de costumes tout en passant des bas-fonds aux intérieurs bourgeois à une vitesse vertigineuse. Le déroulé de l’intrigue aménage avec brio rebondissements et péripéties. La mise en scène exploite judicieusement tous les espaces possibles du Théâtre de la Huchette dans un décor aux accents d’authenticité. Le tout, est une plongée dans les bas-fonds de l’île de la Cité du XIXe siècle concentrée sur les quelques mètres carrés du petit Théâtre de la Huchette.

Le regard d’Isabelle

Théâtre de la Huchette
23, rue de la Huchette – 75005 Paris
Du 31 janvier au 24 mai 2025  
Du mardi au samedi à 21 h
Durée : 1 h 40 annoncée, 1 h 50 lors de la représentation

© Fabienne Rappeneau

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