FESTIVAL OFF AVIGNON 2024 – ELLE NE M’A RIEN DIT – THÉÂTRE LA FACTORY / THÉÂTRE DE L’OULLE (vu au Théâtre Jacques-Prévert d’Aulnay-sous-Bois)

♥♥ 9 avril 2010. 14 h 52. Quartier Hautepierre, à Strasbourg. Au sixième étage de l’un des nombreux immeubles de la cité, Ahlam Sehili, la trentaine, meurt par hémorragie interne, strangulation et noyade. Le meurtrier n’est autre que son mari qui s’est défenestré après avoir commis son acte. Ce drame aurait pu être évité : Ahlam avait porté plainte la veille de son meurtre pour les menaces de mort qui pesaient sur elle depuis des mois. Sa plainte n’a pas été instruite, et Ahlam est retournée dans les bras de son bourreau.

Hager Sehili, la grande sœur d’Ahlam, n’a jamais rien su des violences que subissait sa sœur. Une fois celle-ci décédée, elle décide de mener le combat de sa vie : rendre sa dignité à Ahlam en portant plainte contre l’État français pour « dysfonctionnement du service public de la justice » et « faute lourde ».

Hakim Djaziri a écrit Elle ne m’a rien dit grâce au précieux témoignage d’Hager Sehili, sœur d’Ahlam. Après un combat juridique titanesque de plus de onze ans, deux cancers vaincus et une tentative de suicide dont elle est sortie miraculeusement vivante, Hager finit par accomplir l’impossible le 17 mars 2021 : faire condamner l’État français pour « dysfonctionnement du service public de la justice » et « faute lourde ». Une condamnation hautement symbolique, voulue par le doyen des juges d’instruction du tribunal pénal de Strasbourg, ayant mesuré le caractère systémique des féminicides et les défaillances répétées dans la prise en charge des victimes par les institutions compétentes. Cette décision juridique met ainsi en relief le désir de la justice de ne pas rester inerte face à ce phénomène et son intention d’œuvrer dans le sens des luttes contre les inégalités femmes/hommes et les violences qui en découlent. En France, tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son conjoint/mari/compagnon (sans compter toutes celles qui sont poussées au suicide et celles qui sont tuées par des « non proches », tuées à la seule raison d’être des femmes.). Elle ne m’a rien dit est un titre qui s’est très vite imposé pour raconter l’histoire d’Ahlam. Sa mort est sans doute due à son silence assourdissant que peu de gens autour d’elle ont compris, le même silence que celui qui gangrène une grande proportion de victimes de violences.

Si Hakim Djaziri rapporte le plus fidèlement possible le témoignage d’Hager au théâtre et interroge notre société pour savoir comment agir pour que les féminicides n’apparaissent plus régulièrement à l’actualité des faits divers, le pitch d’Elle ne m’a rien dit révèle minutieusement le déroulé de l’intrigue. Aussi le spectateur ne s’attend à aucune surprise sur le fond. Par contre, il en attend sur la forme. Malheureusement, il n’y en a aucune, ni dans le texte qu’on aurait aimé plus percutant, ni dans la mise en scène de l’auteur, trop conventionnelle. L’un et l’autre rapportent les faits, rien que les faits et le rythme est si lent que l’intrigue se détend à en perdre tout ressort. Quant aux comédien(ne)s – Sephora Haymann, Antoine Formica, Lisa Hours, Corine Juresco et Hakim Djaziri –, peu d’émotion s’exhale de leur jeu. Néanmoins, le drame d’Ahlam éveille à la réflexion. 

En abordant les drames du féminicide dans Elle ne m’a rien dit, Hakim Djaziri espère faire évoluer les consciences sur le droit à vivre de toutes les femmes.

Le regard d’Isabelle

Festival Off Avignon 2024
Théâtre La Factory – Théâtre de l’Oulle à 22 h  
Durée 1 h 30

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