LE PRINCE À LA TÊTE DE COTON – THÉÂTRE LA FLÈCHE

♥ Jacques ne pourrait pas vous écrire ce résumé. Depuis peu, Jacques perd ses mots comme on perd ses clés. Comme un rien. Juste comme ça. S’il le faisait, il commencerait par une citation de Jacques Tati. Puis, il se décrirait comme un jeune professeur retraité. La troisième phrase inverserait deux mots. La quatrième serait confuse, et la cinquième franchement illisible.
Le langage fait-il d’un homme ce qu’il est ? Peut-on faire d’un père malade une figure paternelle ? Comment aimer sans mots ? Ces questions vont bouleverser le quotidien de Jacques et de sa famille alors qu’elle se réorganise pour affronter la maladie.

Monologues, dialogues, contes, chansons, poèmes et musiques racontent par fragments le parcours d’une famille touchée par la maladie du père. L’élocution de Jacques se dégrade au fil du temps. Des scènes avortées tentent de nous démontrer comment la mère, la fille, le garçon tentent de faire face comme il le peut à cette situation tragique.

Le Prince à la tête de coton est le père de l’auteur, Nicolas Porcher. « Très influencé par l’idée du fragment, à l’idée du jaillissement, à cette croyance que la vérité ne peut être embrassée que fugacement, et partiellement », les scènes racontent son histoire par des mots et des notes de musique. Entre violence et silence, tendresse et rire, est née en lui la nécessité de transformer son expérience personnelle en expérience artistique. Mais cela donne-t-il pour autant un spectacle ? Des formes différentes de dialogues s’entrecroisent mais le public reste au bord du plateau. Pourquoi ce conte en ombres chinoises prend-t-il autant de place alors qu’il n’apporte rien à l’intrigue si ce n’est de nous montrer un (trop long) spectacle préparé par les deux enfants pour leurs parents ? Que penser des deux chansons aux paroles nébuleuses ? Et quel sens donner à ces gestes effectués en famille ? Le public ne peut pas comprendre les intentions de l’auteur et de la metteuse en scène (Éloïse Bloch) avec ce qui lui est donné à voir et à entendre. Il n’a pas accès au dossier de presse ! Quant au jeu des comédiens, avouons-le, il ne traverse pas le quatrième mur malgré leur investissement à la cause défendue par l’auteur. Pour ce qui est de la thématique, elle n’est pas traitée dans son entièreté. Le texte s’appuie sur la progression de la maladie et son diagnostic, mais s’attache maladroitement sur la désorganisation interne de la cellule familiale, les incidences avec le monde extérieur…

Le Prince à la tête de coton ne nous a ni émues, ni bouleversées, ni touchées sans nous laisser pour autant indifférentes à cette famille face à l’épreuve. Sans doute la jeunesse de ses créateurs explique-t-elle le manque de maturité de ce spectacle plein de bonnes intentions.

Le regard d’Isabelle

LE PRINCE DE LA TÊTE DE COTON

Théâtre La Flèche
77, rue de Charonne, 75011 Paris
Du 13 janvier au 16 mars 2024 
Tous les samedis à 19 h 

Durée : 1h30


Crédits Photo : affiche de Matthieu Truffinet – photographies de Sara-Lou Berthelot Fogel

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