
♥♥♥♥ J’avais quitté le duo Christian Hecq / Valérie Lesort dans leur facétieux « Voyage de Gulliver » avant les fêtes de fin d’année et je les retrouve aux Bouffes du Nord cette semaine dans leur spectacle « La Mouche » libre adaptation de la nouvelle de George Langelaan, dont le cinéaste David Cronenberg s’était même emparé en 1986 dans un film resté célèbre. Changement de décor ..radical mais nouvelle pépite théâtrale, tant le duo a l’art et la manière de mettre en scène toute sorte d’histoire, aussi farfelue et singulière soit-elle. Puisant dans l’univers des Deschiens, à mi-chemin entre science-fiction et comédie, le spectacle, truculent et inventif à souhait, est incroyablement séduisant.
Quelque part dans la France rurale des années 60, Odette (formidable Christine Murillo) vit chichement dans une vieille caravane un peu déglingue, partagée entre sa maisonnée, la culture des radis qu’elle vend sur le marché, les cancans du village et les soirées à écouter les émissions de Ménie Grégoire sur RTL. A ses côtés, Robert (Christian Hecq), son grand fils resté vieux garçon, un peu lunaire et doux-dingue, passe le plus clair de son temps dans le garage au fond du jardin, aménagé en chambre-laboratoire, à mettre au point une machine… à téléporter. Drôle d’engin que ce bazar-là dont lui seul semble avoir le secret…et qu’il expérimente sans complexe non sans quelques conséquences fâcheuses. Inquiète de la solitude de son fils et avec le secret espoir de le « caser », Odette invite un soir une voisine Marie-Pierre (Valérie Lesort), vieille fille de la région un peu simplette. A la fin du repas, Robert propose à Marie-Pierre d’être le premier humain à se faire téléporter. Malheureusement l’expérience tourne court et Marie-Pierre se volatilise au cours de la téléportation. Les catastrophes ne s’arrêteront pas là jusqu’à un final à déconseiller aux âmes sensibles !
Bien sûr, je n’en dirai pas plus car tout le sel de la pièce réside dans le scenario à mi-chemin entre rires et frissons, et qui vous ne vous lâche plus jusqu’à la dernière seconde. Le spectacle est une réussite parce qu’il parvient à basculer de la chronique familiale tendre et cocasse au genre fantastique et légèrement gore sur les bords (attention, certaines scènes peuvent heurter, la pièce est déconseillée aux moins de 12 ans) et l’on oscille avec bonheur entre drôlerie et petit sentiment d’angoisse. Christian Hecq porte le spectacle avec un talent immense et il faut le voir incarner ce Robert maladroit, têtu, gauche et finalement totalement burlesque. A ses côtés, l’immense comédienne, ancienne sociétaire du Français, Christine Murillo, campe une Odette, plus vraie que nature, et compose un duo mère fils tendre et absolument truculent. Tous deux ont été récompensés d’un Molière d’interprétation pour le spectacle en 2020. Amplement mérité. Allez découvrir ce spectacle de très haut vol.
Signé Elisabeth
Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle, 75018 Paris
Du mercredi 8 février au samedi 17 février à 20h
Du mardi 20 au samedi 24 février à 21h
Matinées les dimanches à 15h
Crédit photos : Fabrice Robin




