VEL D’HIV – THÉÂTRE ANTOINE

♥♥ Les voix d’Antonina, Anna, Ettel, Fernande franchissent la barrière du temps pour nous interroger, nous parler en tant que filles, mères, sœurs, femmes du 16 et 17 juillet 1942, dates de la rafle du Vel d’Hiv. Elles et toutes celles qui suivront ouvriront la marche de la déportation et de la solution finale. Tour à tour incrédules, combatives, résistantes, elles affrontent l’arbitraire et la folie d’un double autoritarisme combiné : le nazisme et le collaborationnisme français.

En introduction, nous est conté comment Alice Taglioni a été approchée pour donner vie à ces feuillets historiques. Sera-t-elle la mieux placée pour défendre cette thématique, s’interroge-t-elle, elle n’est pas de confession juive. Elle n’est pas non plus troyenne et cela ne l’a pas empêché de jouer précédemment Euripide ! Est-ce d’un grand intérêt d’entendre les échanges avec son agent artistique, en fond les bruits d’un café parisien, cherchant à la convaincre d’accepter le projet ?

Enfin, on rentre dans le vif du sujet. Lecture d’ordonnances administratives et de lettres (des fragments de vie volées) sorties des archives du Mémorial de la Shoah. Les témoignages de ces femmes sont bouleversants, ils nous invitent à une vigilance sans fin pour que plus jamais, ici ou ailleurs, un peuple n’ait à subir un génocide. Le public écoute attentivement pour mieux entendre, mieux comprendre, mieux prévenir. Si le fond est intéressant et instructif, de la forme ne se dégage aucune émotion. Le ton éthéré d’Alice Taglioni tranche avec les sentiments qui se dégagent des bribes des témoignages enregistrés de ses femmes qui ont connu l’horreur de la déportation. Leurs sanglots, leurs accents, leurs silences d’incompréhension. Pourquoi ne pas leur avoir laissé la parole tout au long du spectacle ? Elles touchent bien plus au cœur que la comédienne qui passe d’un récit à l’autre sur un ton monotone. Choix discutable de Sébastien Lévy à la collaboration artistique. Quant à la mise en scène d’Alex Lutz, elle est insipide, sans ressort, sans surprise, sinon des respirations musicales interprétées au piano par Alice Taglioni.

Il est important d’entretenir le devoir de mémoire pour ne pas oublier. Néanmoins, sincèrement, ce spectacle est décevant dans le jeu comme par sa mise en scène. Nous nous y sommes ennuyés ainsi que plusieurs spectateurs autour de nous qui n’ont même pas pris la peine d’applaudir.

Si vous désirez en savoir plus sur les rafles des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, celle du Vel d’Hiv et des autres, sur les camps d’internement et de déportation de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers dans le Loiret, etc., rendez vous au Mémorial de la Shoah (ouvert du dimanche au vendredi, accès gratuit pour tous sans réservation). Les témoignages des rescapés sont émouvants, bouleversants, poignants, édifiants, formateurs. À leur écoute, votre gorge se serrera, vos larmes perleront. Vous en sortirez instruits, saisis, troublés. État autre que celui ressenti au Théâtre Antoine.  


Le regard d’Isabelle

Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg – 75010 Paris
Jusqu’au 10 février 2024
Durée : 1 h 20

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