
♥♥♥ En 1913, Louis et sa mère habitent un quartier populaire parisien. Louis vend à la criée du mouron, une petite plante destinée à nourrir les oiseaux dans les parcs. Éliane, sa mère, est vendeuse de quatre saisons. Mobilisé en 1914, Louis est envoyé au front, dans l’enfer de la Première Guerre mondiale. Il est âgé de 19 ans. Partie raconte son histoire, au fil des lettres qu’il envoie à sa maman.
Sur scène, Justine Bachelet donne vie à l’échange épistolaire poignant entre le jeune homme et sa mère, qui décrit l’horreur de la Première Guerre mondiale et les mécanismes idéologiques du patriotisme. Elle joue l’un et l’autre. Choix fort discutable.
Basé sur un rigoureux travail de recherche d’archives autour de la Première Guerre mondiale, le texte de Tamara Al Saadi s’inscrit dans le registre d’un théâtre documentaire. Plein de sensibilité et d’émotion, il est le creuset de la rencontre entre l’intime et la grande Histoire. Pourquoi ce titre Partie ? C’est Louis, un homme, qui est parti à la guerre. Pourquoi le choix du féminin ? Là est la question sans réponse apparente.
La mise en scène et la scénographie par l’autrice est fort originale. Le bruitage des sons se fait en direct et à vue par Éléonore Mallo, ingénieuse à souhait. Vif intérêt du spectateur en découvrant comment est fabriqué artificiellement le son du pas d’un cheval, le bruissement du vent dans le feuillage d’un arbre, l’épluchage d’un légume, un bombardement… Quant au public, il est invité à devenir acteur de l’histoire. Chacun à son tour, selon son groupe de couleur d’appartenance (des Parisiens, l’armée, des Français…), il aura quelques phrases à dire avec d’autres : « Jean Jaurès a été assassiné. L’Allemagne déclare la guerre à la France. Édouard est mort… » Quant aux silences, ils reviennent de façon récurrente dans les échanges épistolaires, un silence texturisé par la peur, la guerre, les souvenirs… L’environnement sonore immersif complète si admirablement l’interprétation théâtrale que le tout est saisissant de vérité, cruellement froid, horriblement sanglant.
Quelques bémols : spectacle trop concis (55 minutes). De plus, rendre acteur le public et visible la fabrique du fond sonore, laisse le spectateur en bord de scène. Trop attentif à la manière dont se conçoit la scénographie sous ses yeux, il passe à côté d’une partie du spectacle. Dommage car le jeu magistral de Justine Bachelet est d’une rare intensité, le texte de Tamara Al Saadi est magnifique et sa scénographie originale.
Le regard d’Isabelle
Centquatre-Paris
5, rue Curial – 75019 Paris.
Dans le cadre du Festival Les Singulier·es :
les 19, 20 et 21 janvier à 17 h
Théâtre Silvia Monfort
106, rue Brancion – 75015 Paris
les 2, 3, 4 et 5 avril à 19 h, 6 avril à 18 h
Festival Théâtre en mai du Théâtre Dijon Bourgogne CDN (21) :
du 20 au 22 mai 2024
Cour de la Vieille Charité – via le Théâtre Joliette de Marseille (13) :
du 1er au 4 juin 2024
Durée 55 minutes / À partir de 11 ans



Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage et Geoffrey Posada Serguier