
♥♥♥ Une géante, vêtue de haillons tissés de larmes, marche à pas lents en claudiquant, semeuse de visions. Elle apparaît dans les rues de Prague. Elle est le temps, la mémoire de la ville, celle des victimes inconnues, des enfants de Terezin, de Bruno Schulz, de nos proches et lointains disparus. Elle porte la révolte, les larmes des vivants et des morts. Quand elle apparaît, dans chaque quartier de Prague, elle transcende l’instant présent, le met en suspens. Elle fait resurgir le visible dans l’invisible. Cette pleurante est « plurielle, elle n’a pas de visage ». Elle va partout, elle n’habite nulle part, elle hante tous les lieux. Elle est hasard, chance, poésie, pitié, beauté.
Les mots de Sylvie Germain (La Pleurante des rues de Prague, Éditions Gallimard, 1991) traduisent la langue de l’âme, les silences nous rappellent que nous sommes en vie. Mis en scène et interprétés sur un plateau nu par Claire Ruppli, ils font revivre la mémoire de la douleur de l’Europe centrale. « Son visage est l’effacement de milliards de visages. […] Ce texte n’a pas d’âge, il porte en lui les douleurs de toutes les guerres, la misère de femmes, d’hommes et d’enfants, il ranime la souffrance de l’humanité toute entière et de tout temps, il est toujours d’actualité. La pleurante vient bercer la douleur des âmes pour la rendre supportable. » Claire Ruppli se fait la passeuse de cette écriture lyrique dans un jeu plein de sobriété.
Le regard d’Isabelle
LA PLEURANTE DES RUES DE PRAGUE
Théâtre des Vents
63, rue Guillaume-Puy – 84000 Avignon
Durée 1 h
Du 7 au 29 juillet 2023 à 11 h 20 (sauf les dimanches)
© Philippe Hanula
