♥♥♥♥ 23 Août 1944. Tandis que les combats font encore rage pour la libération de Paris, Sacha Guitry est appréhendé à son domicile par cinq hommes armés jusqu’aux dents. Dépourvus de mandat d’amener, ils l’emmènent avec eux sans aucune explication… et sans même lui laisser le temps de remplacer ses mules et son pyjama par une tenue plus décente.

Il n’y a aucun chef d’accusation contre lui, sinon la rumeur publique. Ainsi sur la foi de seuls ouï-dire, il est soupçonné de crime de collaboration avec l’occupant allemand et va être brutalement incarcéré durant soixante jours dans des geôles et des camps de prisonniers insalubres, sans jamais connaître le véritable motif de son arrestation. De motif, il n’y en a pas, bien sûr… et il sera libéré de manière tout aussi arbitraire après ces deux mois de détention. Il en déduira : « C’est plutôt quarante années de réussite et de bonheur qu’on ne me pardonne pas » et de tout le bien qu’il a fait pendant cette période : 22 représentations de bienfaisance, 9 galas, 10 millions de secours versés…

Sacha Guitry eut l’intuition de noter, jour après jour, le récit de cette injuste expérience carcérale. Des quelques jours précédant son arrestation au matin de sa délivrance, il y narre avec son élégance et son ironie naturelles ces faits historiques où petite et grande histoire se mêlent pour nous donner un tableau inédit de la Libération. On y traverse des lieux de sinistre mémoire, comme le Vel d’Hiv ou Drancy, et l’on y évoque nombre des figures du gotha de l’époque, comme Raimu ou Arletty. Seule sa chère amie Pauline Carton lui écrira pendant son incarcération et se proposera de le rejoindre à Drancy. Après la Libération, ses notes seront éditées sous le titre de Soixante jours de prison, un témoignage saisissant sur les premiers jours de la Libération de Paris.

Dans 60 jours de prison, sous les traits Olivier Lejeune, Sacha Guitry nous apparaît digne et plein d’humilité alors qu’il traverse une bien triste épreuve. Il en sortira si meurtri que pendant les deux ans qui suivirent, il ne prendra plus la plume pour s’exprimer. Ses traits d’esprit sont d’une acuité déconcertante, teintée d’humour, mettant en exergue l’absurdité de sa situation. Ce texte est pour la première fois adapté au théâtre.

Dans une sobre mise en scène de Nicolas Boukhrief, Olivier Lejeune incarne magistralement Sacha Guitry, mais aussi plusieurs dizaines de personnages ineffables : des Forces françaises de l’intérieur, des gendarmes, des codétenus, des amis… tous peints avec cocasserie et authenticité. Si Olivier Lejeune admire depuis toujours son maître, le public apprécie son excellente prestation.

Le regard d’Isabelle

60 JOURS DE PRISON
Théâtre Le Chien qui fume
76, Rue Guillaume-Puy – 84000 Avignon
Du 7 au 29 juillet 2023 à 13h45 (sauf les mardis)
Durée : 1 h 20