
♥♥♥♥ L’auteur, Joseph Ponthus, alors sans emploi, est contraint de s’inscrire dans une société d’intérim. Elle lui propose des contrats de quelques jours, une semaine parfois, pas toujours renouvelés. Quand la nécessité financière guide vos choix, nul ne fait le difficile. Et il cumule divers postes de travail à côté de ses collègues sur les lignes de production dans les conserveries de poisson et les abattoirs bretons. Il parle comme il écrit jour après jour, sans ponctuation, ligne après ligne, pour décrire son triste et répétitif quotidien à l’usine : épuisant les horaires décalés et les gestes répétitifs, bruyant et abrutissant les bruits des machines et des véhicules, sans reconnaissance et sans horizon d’une vie ouvrière. Il écrit pour ne pas oublier toutes les références littéraires qui le rappelle sa vie d’avant. Il écrit pour témoigner la réalité de la vie ouvrière au 21e siècle.
Katja Hunsinger et Julien Chavrial donnent corps et voix à ses phrases rythmées, leur corps et leur parole sont leurs seuls outils. Leurs gestes et leurs mots authentifient l’asservissement des corps au travail, l’aliénation des esprits, les douleurs des muscles qui répètent inlassablement les mêmes mouvements pendant 8 heures d’affilée jusqu’à en rêver la nuit. Surtout, ils nous amènent à réfléchir sur le regard que notre société porte sur la classe ouvrière, ses conditions de travail, son salaire de misère, sa vie sociale.
Au salut, Katja Hunsinger et Julien Chavrial sont en eau tant ils ont sué sur les lignes de production fictives. Dans le monde, en Europe comme en France, des millions d’ouvriers suent quotidiennement sur des lignes de production bien réelles pour un salaire qui ne leur permet pas d’avoir une vie décente. A la ligne, à voir pour le travail d’acteur et pour cesser de détourner les yeux sur les travailleurs de première ligne.
Le regard d’Isabelle

Théâtre du Train Bleu
40 Rue Paul Sain, 84000 Avignon
Crédit photos : Agathe Poupeney